15ème Rencontre, Digital Learning, évolution et changement de paradigme

Jeudi 25 juin dernier se déroulait la 15ème rencontre de l’Observatoire des Réseaux Sociaux d’Entreprise. Plus de 170 personnes issues de 70 entreprises se réunissaient pour réfléchir à la question du digital learning.

Digital learning, de quoi s’agit-il ?

C’est avec joie que Ziryeb MAROUF, Président de l’Observatoire des Réseaux Sociaux d’Entreprise, a ouvert la 15ème rencontre. Cinq ans déjà que ces rendez-vous existent et rythment les réflexions autour de la transformation digitale des organisations.

16eme rencontre - Ziryeb Marouf

Ziryeb Marouf, Président de l’Observatoire des RSE, introduit la rencontre

La thématique du digital learning a permis à l’équipe et ses partenaires de faire plusieurs constats mais surtout de soulever de nombreuses questions. Premier constat, le « syndrome Violetta » : à l’âge de 12 ans, un enfant réussit à se former, en toute autonomie, à l’espagnol en suivant la série sur YouTube. Pour autant, est-ce un bon enseignement ?

Autre constat sur l’apprentissage par le digital : réussir à réparer son iPhone à 14 ans, en commandant un kit sur le web et en regardant un tutoriel sur Internet. Pour autant, ne vaudrait-il pas mieux avoir appris en amont comment prendre soin de son mobile ?

Ziryeb Marouf fait le lien avec l’ouvrage de Michel Serres intitulé Petite Poucette dans lequel il explique qu’avec la révolution digitale, le terme « maintenant » prend tout son sens : main-tenant le monde.

Plusieurs questions se sont alors posées :

  • L’accès à l’information me transforme-t-elle en apprenant ?
  • L’apprentissage en réseau est de plus en plus présent, notamment au travers de solutions comme les MOOC, mais ce mode de fonctionnement a-t-il des limites ?
  • Avec le digital learning doit-on obligatoirement opposer virtuel et réel ?
  • Le formateur se transforme-t-il réellement en community manager à partir du moment où il anime une communauté d’apprenants ? Si c’est le cas, comment bien le former afin qu’il adopte pleinement cette nouvelle posture ?
  • Plus globalement, en mesurant l’impact de la transformation digitale aujourd’hui sur le monde de la formation et sur l’accès au savoir, nos dirigeants sont-ils prêts à accepter et comprendre les changements de paradigme ?


Ziryeb Marouf, Président de l'Observatoire des… par Ziryeb

 

Quelques notions de digital learning

Avec une posture de responsable formation, Pierre Prével, Secrétaire général adjoint de l’Observatoire, explique que le digital learning soulève deux problématiques : se former AU digital et se former AVEC le digital.

Pierre Prével

Pierre Prével, Secrétaire Général adjoint de l’Observatoire des RSE

Se former AU digital signifie :

  • développer une certaine culture du digital (ex. savoir ce qu’est un MOOC, le Cloud ou une solution SaaS) et acquérir quelques connaissances techniques ;
  • dépasser les « a priori » en dédramatisant et en expliquant clairement les différents termes et concepts liés au digital ;
  • expérimenter le digital, c’est-à-dire oser se lancer sans avoir la crainte de faire une erreur (et réagir vite si c’est le cas). C’est une posture « essai-erreur » plus naturelle pour la génération Y que pour la génération X.

Se former AVEC le digital signifie :

  • amener les différents acteurs de l’entreprise à comprendre les ressources du web (créer un flux RSS, poser des alertes sur Google, etc.) et à bien les utiliser en intégrant la notion de sécurité pour soi et pour l’entreprise (LinkedIn, Viadéo, etc.) ;
  • travailler avec les outils collaboratifs ou connectivistes comme les MOOC car ils font travailler des personnes ensemble ;
  • trouver et exploiter ce que l’on ne cherchait pas : sérendipité, ouverture d’esprit, flexibilité neuronale et « apprendre à désapprendre », vérification de la validité et la pertinence des savoirs proposés par les outils.

Les changements de paradigme s’effectuent à deux niveaux : l’individu et l’entreprise. L’individu passe de « être formé » à « apprendre ». Le formateur, quant à lui, devient créateur d’écosystème d’apprentissage et non plus simple transmetteur de contenu. On passe de dépendance à autonomie et le formel se conjugue avec l’informel.

Côté entreprises, les modes de gouvernance et les structures doivent évoluer car le collaborateur se transforme en « hub permanent » d’information, et d’interface entre les divers systèmes. Résultat, la digitalisation entraîne obligatoirement du travail collaboratif et transverse, de la coopération et implique une nécessaire cohérence des informations envoyées au salarié.

Lorsque l’on pilote un système de formation, il est fondamental de bien prendre en compte tous ces éléments et d’embarquer tous les collaborateurs à toutes les strates de l’entreprise.

Le digital apporte de formidables opportunités : nouvelles possibilités de formation, nouveaux thèmes, nouvelles modalités (dont les fonctions sociales et le recours aux sachants et experts), permanence et personnalisation de « l’expérience collaborateur » qui doivent s’inscrire progressivement et durablement dans le système global de formation et de gestion de la connaissance de l’entreprise.

 

Table ronde “compréhension du digital learning 

Cette table ronde, animée par Jean Daries, Identity & Corporate Social Network Manager chez Orange, a réuni Patricia Waldron-Werner, Executive Sponsor Digital Leadership Inside et Directrice des Ressources Humaines chez Orange Business Services (OBS), et Charlène Berneau, Corporate Digital Learning Manager à Saint-Gobain.

Quelle est la stratégie digitale de la formation chez Saint-Gobain et Orange ?

Chez Saint-Gobain, elle se décline en quatre axes :

  • Devenir une entreprise entreprenante ;
  • Développer la culture digitale au sein du Groupe ;
  • Transformer le learning & development
  • Etre un exemple pour les autres fonctions

Chez Orange Business Services, la transformation digitale pour la formation est plus que jamais d’actualité car aujourd’hui, Orange Business Services a signé un nouveau contrat pour changer de plate-forme de formation (ou Learning Management System, LMS). L’objectif était de réunir les onze solutions existantes en une seule. Pour arriver à un résultat adapté aux salariés, Orange Business Services a consulté 300 utilisateurs afin d’avoir un regard neuf sur l’outil à mettre en place. Les utilisateurs interrogés ont mis en avant qu’ils souhaitaient une plate-forme facile à utiliser, ludique, personnalisée, mobile et multi-devices. Orange Business Services les a écoutés et a adopté une solution « libre-service » regroupant toutes les caractéristiques citées plus haut.

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De gauche à droite : Patricia Waldron-Werner, Charlène Berneau et Jean Daries

Revenons à la stratégie de digitalisation de la formation de Saint-Gobain et notamment au premier axe qui est « Devenir une entreprise entreprenante ».

Une nouvelle plate-forme a vu le jour il y a deux ans. Il est apparu indispensable pour le Groupe de partir de l’individu et donc d’ouvrir l’accès à la formation à tous les collaborateurs. Deux types de formations ont été lancés sur le thème « Se former au digital » :

  • Digital pour les RH : MOOC qui traite des impacts du digital sur les RH, le management, les modes de travail ou encore l’apparition de nouvelles compétences ;
  • Le digital, c’est quoi ? : définition des termes liés au digital (Cloud, objets connectés, etc.) avec à terme obtention d’un passeport digital.

Dans cette démarche, quel est le positionnement des acteurs de la formation ?

Charlène Berneau observe un changement net du métier de formateur. Elle le compare de nos jours à un concierge : le client énonce ses questions, son budget, son temps disponible, puis il est orienté vers différentes options de menu (formations et activités). Selon elle, la mission du RH ne sera plus la création mais plutôt la curation de contenus en fonction des besoins des utilisateurs.

Patricia Waldron-Werner pense également que le métier de formateur va évoluer et prendre une place centrale au sein de l’entreprise. Elle imagine les formateurs se transformer en véritables consultants, c’est-à-dire en experts du digital, de la plateforme et de la formation.

Charlène Berneau rebondit en ajoutant que les formateurs vont jouer un rôle essentiel dans le développement personnel des collaborateurs (partage, collaboration, etc.).

Comment voyez-vous le Social Learning ?

Selon Patricia Waldron-Werner c’est un changement capital dans le positionnement de la formation. La disponibilité des contenus numériques et la création de réseaux sociaux internes donnent l’opportunité à tous de se former où qu’ils soient.

Inside-outside : quels points communs et différences entre l’attention portée au salarié apprenant dans l’entreprise et celle portée au client en externe ?

Saint-Gobain vient juste d’aborder la question de la formation des partenaires et des personnes externes et précise qu’il faut bien distinguer la formation interne de l’externe. En effet, on doit être beaucoup plus exigeant avec la formation adressée aux externes mais il est primordial de ne pas oublier les collaborateurs en interne en leur proposant des formations toujours plus innovantes et personnalisées.

Chez Orange Business Services, qu’avez vous retenu de l’écoute salarié évoquée plus tôt ?

La nouvelle stratégie de la marque Orange vers l’externe se fonde sur le listening & responding, c’est-à-dire d’abord écouter le besoin et ensuite apporter une solution ou réponse à ce besoin. Comme le Groupe suit cette démarche avec ses clients, il est fondamental de l’appliquer également aux salariés. Durant cette phase d’écoute, le multi-modal s’est avéré être une demande forte des utilisateurs, notamment de la part des jeunes. Même si certains formateurs ont du mal à admettre ces nouveaux modes de fonctionnement, le souffle nouveau émanant des jeunes générations de l’entreprise devrait permettre de changer les mentalités.

Complémentarité entre virtuel et réel, quelle est la vision de Saint-Gobain et d’ Orange Business Services ?

Selon Charlène Berneau, il est indispensable d’avoir plusieurs formats et de tirer le meilleur parti de chacun selon les thématiques abordées. Ce n’est pas toujours possible alors le formateur doit s’adapter. En téléconférence, il peut mettre en place un espace dédié aux questions en temps réel, en plus du module vidéo.

En complément, Patricia Waldron-Werner explique que la différence entre hier et aujourd’hui c’est la pro-activité de la formation. Aujourd’hui, les utilisateurs attendent qu’on leur soumette du contenu en fonction de leurs besoins. Les utilisateurs s’attendent à trouver du contenu adapté à leur métier, à leur mission ou encore à leur fonction.

 

Table ronde “perspective du digital learning : partager et devenir plus riche collectivement »

Kristy Anamoutou, HR Innovation Crafter chez Airbus Group University et Jean-Côme Romain, Responsable du pôle Management et Projets chez EDF Group University ont abordé lors de cette table ronde, animée par Sophie Delmas, Head of Business Development à L’Atelier BNP Paribas, le thème de la perspective du digital learning.

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De gauche à droite : Jean-Côme Romain, Kristy Anamoutou et Sophie Delmas

Quelle est la conception du digital learning chez Airbus ? 

Pour Airbus, digital learning veut d’abord dire montée en compétences des collaborateurs, des managers et des dirigeants sur les enjeux clés du numérique. L’objectif est de leur faire comprendre les différents mécanismes du digital. Pour cela, le Groupe met en place des produits et services qui permettent d’acculturer aux pratiques, aux nouvelles technologies et aux nouveaux modes de fonctionnement type start-up.

 Quels sont les enjeux du digital chez EDF et comment sont-ils abordés ? 

Chez EDF, les enjeux sont multiples : métier, énergie décentralisée, ou encore données. Un enjeu RH est aussi apparu avec le recrutement de 30 000 jeunes dans l’entreprise en France depuis cinq ans. Avec eux, les pratiques et modes de travail sont métamorphosés : ils partagent des photos et vidéos de leur activité depuis leur smartphone sur les réseaux internes. Les pratiques des collaborateurs bousculent et challengent les pratiques corporate.

Quels sont les défis et les contraintes observés par Airbus en termes de digital learning ?

Au regard de la nature des produits Airbus, toutes les informations ne sont pas toujours accessibles. Les salariés du Groupe n’ont pas tous accès à Internet pour des raisons de sécurité et le principal défi pour Airbus réside dans l’accessibilité au contenu. La majorité des collaborateurs possède des téléphones portables GSM et seulement un nombre restreint d’entre eux a accès à des smartphones. Le manque d’équipement et la problématique de sécurité de l’information sont donc des enjeux de taille pour la société.

Comment EDF accompagne ses dirigeants ?

EDF accompagne 20 000 managers. Le changement vers le numérique prend du temps et la démarche du Groupe consiste à travailler sur plusieurs initiatives différenciées selon les métiers. Les axes principaux sont l’acculturation et la sensibilisation au travers de différentes actions comme des learning expeditions, des opérations de mentoring, ou encore de relais locaux. Les managers sont encouragés à expérimenter et à oser. 

Comment Airbus réussit à relever ses défis et à former les collaborateurs ?

Pour pallier les différentes difficultés évoquées plus haut, Airbus envoie ses salariés « hors les murs » de l’entreprise grâce à des learning expeditions dans des groupes emblématiques du numérique comme Apple. Les collaborateurs participent également à des workshops, durant lesquels ils sont amenés à expérimenter les nouvelles technologies auprès d’experts. Le mot d’ordre est l’ouverture.

Comment EDF et Airbus voient-ils l’avenir de la formation ?

Pour commencer, EDF a mis en place une plate-forme de formation digitale dédiée aux managers. A l’avenir, la formation devra avoir une approche d’intégration des ressources multiples, y compris pour les besoins personnels. Les formateurs devront de leur côté accompagner les collaborateurs vers les lieux où les contenus sont disponibles.

Un des grands axes à prendre en compte pour Airbus est l’éducation numérique des équipes de formation (veille, benchmarks) pour développer leur maturité digitale. Cela est aussi valable pour les équipes RH. Aujourd’hui, on entend beaucoup parler d’open innovation mais pourquoi ne pas parler également d’open learning, c’est-à-dire mélanger des talents de secteurs différents afin d’échanger les savoir-faire ?

 

Dirigeants à l’ère digitale

Sylvie Joseph, Project Director of the Internal Transformation Program du Groupe La Poste, nous parle de l’INSEAD. Elle interviewe Axel Tagliavini, Digital communication Director de l’INSEAD.

Sylvie Joseph nous rappelle tout d’abord, après la projection d’une vidéo, quelques éléments clés relatifs à l’INSEAD. Cette école existe depuis 1957, comprend 12 centres de recherche et 148 enseignants à travers le monde issus de 40 pays. 50 000 Alumnis  y ont déjà été formés. Selon Axel Tagliavini, la diversité est un des secrets de la réussite de cette école.

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Axel Tagliavini, interviewé par Sylvie Joseph

 

En quoi l’évolution de la société change-t-elle les pratiques pédagogiques, l’approche du métier pour le formateur, l’enseignant et le comportement des élèves ? 

Axel Tagliavini, dont les fonctions couvrent l’aspect web et réseaux sociaux ainsi que la production audiovisuelle sur les 3 campus de l’Ecole (Fontainebleau, Singapour, Abu Dhabi), estime qu’il faut prendre en considération l’aspect multi-dimensionnel de ces pratiques. L’INSEAD propose plus de 45 programmes destinés aux entreprises. L’école est très à l’écoute et adapte au mieux l’outil pédagogique à chacune des audiences. Axel Tagliavini, prend pour exemple l’audience MBA. Elle est jeune et extrêmement connectée. Ses attentes se situent au niveau du réseau, de l’efficacité et de la rapidité des diverses plates-formes proposées.

Une plate-forme collaborative destinée aux professeurs et aux participants a été mise en place il y a 3 ans afin de leur permettre de collaborer et d’échanger en temps réel, sur le campus et en dehors. Des iPads ont également été mis à disposition, ce qui s’est révélé être une expérience pédagogique très intéressante pour l’Ecole.

Les Executives MBA sont en croissance forte voire très forte. Ils viennent avec des habitudes de consommation qui ne sont pas les mêmes. Comment gérez vous ces populations dans le processus de digitalisation des informations ?

A la différence de l’étudiant MBA, l’Executive MBA est toujours dans l’entreprise. La cible visée à l’INSEAD est essentiellement composée de personnes qui souhaitent transformer leur carrière. L’Executive MBA a plutôt une approche de performance et de progression en interne qui peut éventuellement se concrétiser par un changement de poste.

Le constat fait fréquemment à l’INSEAD est celui de la « magie de l’interaction en cours ». Le présentiel ne peut pas être remplacé par le digital. Rien ne pourra transformer l’expérience unique sur l’un des trois campus. Cela permet également aux apprenants de se constituer leur réseau sur place. La digitalisation EMBA se fera donc plutôt de façon hybride.

Le taux de satisfaction est extrêmement haut en matière de blended learning, notamment pour les programmes intra-entreprises comme par exemple le format qui a été lancé pour Microsoft et Accenture dont la cible était le middle management.

Comment prépare-t-on les dirigeants à ces nouvelles donnes de l’économie du 21ème siècle ?

L’INSEAD a plutôt travaillé sur les modes de transmission. La place du leader dans l’organisation a été repensée. Un cas d’étude : celui de GORTEX, entreprise où tout le monde est au même niveau et associé. Le principe de leadership se réfère aux talents en fonction des objectifs. Le rôle du leader est d’identifier les talents qui pourront honorer les objectifs et de les missionner le plus rapidement possible. Cela révèle plus vite et plus fort les talents.

Que pouvez-vous faire pour accompagner les plus de 55 ans qui ont à mener la transformation digitale ?

Les leaders qui viennent à l’INSEAD pour comprendre les transformations digitales sont exposés à ce genre de philosophie, à savoir : la pyramide classique se renverse. Il faut les encourager à embrasser ce travail collaboratif. L’école leur montre qu’aujourd’hui ils ont les outils pour accélérer cette forme de travail. Le réseau des anciens de l’INSEAD est également très actif et très puissant.

Les accompagnez-vous sur leur propre transformation digitale ?

Cela se fait dans les deux sens. Beaucoup d’anciens de l’INSEAD sont invités à partager avec les étudiants leurs success stories dans le digital et leur savoir. Axel Tagliavini cite Blablacar en exemple car ce site a effectivement été fondé par deux anciens étudiants de l’INSEAD.

Quelles sont les conséquences de la pyramide inversée sur le leaderschip ?

L’intérêt des modes d’enseignement quels qu’ils soient, est d’accompagner ces personnes du mieux possible. Le digital lève le voile sur certains traits que le leadership pouvait avoir occulté précédemment. Plus que jamais les business schools ont un rôle à jouer dans cette transformation.

 

Du Manager au Leader 2.0

Karine Boullier, Corporate Human resources Communications Director à Sanofi, accueille Cécile Dejoux, Maître de conférences au CNAM et Professeur affilié ESCP Europe, Spécialiste MOOC, et Pierre BOULLIER, Digital Strategist chez Young’n’Connected pour un partage d’expérience autour du MOOC « Du Manager au Leader 2.0 ».

En seulement 2 ans, le MOOC, saisons 1 et 2, a été suivi par plus de 63 000 étudiants dans 63 pays différents.

De gauche à droite : Pierre Boullier, Cécile Dejoux et Karine Boullier

De gauche à droite : Pierre Boullier, Cécile Dejoux et Karine Boullier

Quelles sont les clés de ce succès ? 

Le MOOC est un objet de test & learn, il a évolué grâce aux restitutions des apprenants. Le contenu change en permanence car les outils permettent la plasticité de l’objet. Pour en revenir à la problématique de départ, ce projet a vraiment très bien fonctionné pour 3 raisons :

  1. Un MOOC n’est pas un SPOC : un MOOC est destiné à un public que l’on ne connaît pas, alors qu’un SPOC vise une cible bien précise dans l’entreprise. Le MOOC est créé dans un contexte universitaire, c’est un cours en ligne.
  2. On-the-job learning : le même message peut être décliné de multiples façons pédagogiques en fonction des envies des apprenants.
  3. L’université doit rester un lieu de création de savoirs: création d’un cours « Digital RH » ESCP-CNAM. Le MOOC doit créer un sens nouveau sur de nouveaux usages. L’objectif de la pédagogie est de réfléchir à la façon d’évaluer, de transférer l’information et de réaliser des apprentissages.

Quels sont les écueils à éviter ?

Tout d’abord, savoir se tromper c’est savoir progresser. Ensuite, il est essentiel que le professeur soit toujours très présent sur la plate-forme, d’où l’importance de choisir une solution solide permettant d’extraire des rapports d’activité détaillés et une connexion multi-devices. Enfin, il faut être irréprochable sur la communication et le marketing et utiliser l’aide d’un community manager pour gérer l’interactivité.

MOOC signifie-t-il obligatoirement disparition des enseignants ?

Non, car s’il n’y a plus d’enseignants-chercheurs dans la société, il n’y aura plus de liberté et d’opposition. L’enseignant-chercheur est le garant de la liberté et de la démocratie. On ne peut pas non plus se passer du présentiel car il apporte des éléments impossibles à trouver en dehors d’Internet, et vice versa. Tout est une question de dosage.

Quel community management pour un tel MOOC ?

Chaque réseau social a sa spécificité :

  • Facebook : c’est une audience qui favorise le contenu visuel et qui demande beaucoup d’informations à propos du MOOC.
  • Twitter : Une communauté qui donne beaucoup de feedbacks, de retours, de critiques à propos du MOOC un peu à la manière du Forum. Par le partage d’articles et de contenus visuels, multiplier le nombre d’utilisateurs par 2,5.
  • Google + : dédié à la partie Hangout pour une relation directe entre l’enseignant et les utilisateurs ou en différé sur YouTube.
  • LinkedIn : Une communication dans un groupe, dédiée à l’animation de débat autour des thématiques du MOOC. Le nombre de membres sur ce groupe a été multiplié par 3.

Plus globalement, les réseaux sociaux sont très complémentaires des MOOC. Il n’aurait pas été possible d’obtenir de tels résultats si aucune communication n’avait été préparée pour chaque outil.

 

VIAEDUC, le réseau social du corps enseignant

Jean-Marc Merriaux, Directeur Général du réseau Canopé au Ministère de l’Education Nationale est interviewé par Jean-Marc Bernardini, responsable communication à la RATP.

Le réseau Canopé est un opérateur du Ministère de l’Education Nationale. Il est l’éditeur du ministère et produit des contenus et des ressources pour accompagner les enseignants dans leurs pratiques pédagogiques. Anciennement Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP), le réseau a évolué le 1er janvier 2015 pour permettre de transformer les modes de production de contenus et d’offrir un corpus de services associés à ces contenus. 100 lieux de proximité (librairies et médiathèques) présents dans l’ancien réseau, ont été reconvertis en training centers (ateliers Canopé) pour la création de contenus, la scénarisation et l’animation de communautés pédagogiques.

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Jean-Marc Merriaux, interviewé par Jean-Marc Bernardini

Quelle stratégie digitale éducative ? Quels enjeux ?

Trois piliers essentiels pour bien réussir une politique numérique éducative :

  1. Equipement des établissements porté par les collectivités territoriales ;
  2. Formation au numérique et par le numérique des enseignants : Magistère, offre de formation des enseignants, opéré par Canopé (100 000 connexions par semaine) ;
  3. Production des ressources au sein de la classe.

Quelles sont les ambitions de ViaEduc, réseau social de l’Education Nationale ?

Les trois principaux enjeux de la plate-forme sont de provoquer le décloisonnement, de créer de la transversalité et de proposer un service lié à la pratique pédagogique. Lancé depuis mai 2015, le réseau compte aujourd’hui plus de 10 000 enseignants connectés. La logique de ViaEduc a été de partir du contenu, en prenant pour base la solution Symphony, et d’y ajouter des fonctionnalités sociales.

A quelles difficultés a été confronté ViaEduc ?

Le digital remet en question le management : repenser l’organisation pyramidale pour mettre en place une organisation matricielle. Dans l’Education Nationale, le management se situe à plusieurs niveaux : au sein de la classe (relation professeur/élève) et au sein de l’institution. Au moment de la création de ViaEduc, de nombreuses questions ont été posées et notamment celle de savoir si les inspecteurs académiques et généraux avaient leur place dans le réseau social. La solution a été de rédiger une charte très stricte indiquant que le réseau n’est absolument pas un lieu d’évaluation et qu’il est interdit de s’en servir comme tel sous peine d’exclusion. L’objectif principal est encore une fois de rétablir une relation de pair à pair : un inspecteur est avant tout un enseignant.

Quels sont les leviers de succès de ViaEduc ?

La liberté pédagogique de l’enseignant est un véritable atout dans notre système aujourd’hui. Mais il faut surtout valoriser l’initiative pédagogique et la créativité des enseignants. Viaéduc peut justement y contribuer.

 

« La formation à l’ère du digital : une révolution des formes d’apprentissage et de partage de la connaissance en marche »

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Thierry Happe conclue la 15ième rencontre de l’Observatoire

Thierry Happe, co-fondateur de l’Observatoire Netexplo, a résumé et conclu cette 15ème rencontre de l’Observatoire. Il a commencé par affirmer que le numérique n’était pas un sujet technologique mais plutôt un sujet culturel. L’un des points principaux à retenir est que la formation à l’ère du digital est une révolution des formes d’apprentissage et de partage de la connaissance en marche. Les grandes institutions ont parfois du mal à appréhender le sujet du numérique. Elles l’ont identifié, mais pour autant, un problème identifié n’est qu’à moitié résolu. En effet, la problématique du digital ne s’effectue pas directement dans l’entreprise, mais plutôt dans les incubateurs comme l’Ecole 42 ou la Numa, car c’est un sujet sociétal.

 

On remarque donc qu’il existe trois mouvements aujourd’hui :

  1. L’ère des savoirs accessibles à tous, immédiatement et sans effort : seulement 4 à 7 % des personnes vont jusqu’au bout d’un MOOC. Par exemple, l’innovation japonaise « StudyPack » invite les participants aux MOOC à parier de l’argent au début et à le récupérer à la fin pour les motiver. Idem pour l’application « Photomath » qui permet, en photographiant une équation, d’avoir sa résolution, ses étapes et son déroulé. Le numérique est donc en train de changer toutes les opérations physiques. Faut-il tout apprendre si on sait où trouver l’information ?
  1. L’ère du partage et des communautés : pour approfondir cette thématique, Thierry Happe conseille la lecture du livre de Laure Belot, La Déconnexion des élites, comment Internet dérange l’ordre établi. Dans cet ouvrage, Laure Belot se pose la question suivante : une personne qui n’est pas professeur a-t-elle le droit d’enseigner ? On trouve une partie de la réponse dans deux enquêtes successives qui ont prouvé qu’il y a moins de fautes d’orthographe dans « Wikipédia » que dans « L’Encyclopedia Britannica ». Toute la question est de référencer les données collectées de façon décentralisée. « Electronic Field Guide » est un outil numérique qui illustre bien cette idée : c’est un système qui permet de savoir tout ce qui existe en botanique. La banque de données de cette application est enrichie en permanence par la communauté connectée et elle devient aujourd’hui la plus fiable au monde dans ce domaine-là.
  1. L’ère des univers virtuels : Thierry Happe évoque « Oculus Rift », outil de réalité virtuelle permettant une véritable mise en situation des utilisateurs. Renault le démontre dans son application innovante « The Good Drive » qui permet aux utilisateurs de suivre des cours de code et de conduire virtuellement depuis leur smartphone avec un suivi du professeur en mode virtuel.

En résumé, le rôle des gestionnaires de formation est en train de muter drastiquement. On observe un passage du « top-down » au « apprendre à apprendre », c’est-à-dire mettre sa compétence au service des autres en la transmettant. Sommes-nous en train de vivre la transformation de notre « pédagogie » classique en « peeragogy »? C’est un des sujets-clés que l’Observatoire Netexplo, dans le cadre de sa veille mondiale et ses analyses, va tenter de mieux comprendre dans les prochaines années…

 

Encore un grand merci à toute l’équipe de l’Observatoire des RSE pour ce nouveau succès et cette très belle rencontre.

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L’équipe de l’Observatoire et toutes les personnes qui ont participé à l’organisation de la 15ème rencontre

  • Crédit Photos Francesco De laurentiis
  • Compte rendu : Corinne Marlier et Julie Minguez
  • Montage Vidéo : Claude Gheerbrant
  • Captation Video : Webstyle