Keynote d’Elise BRUILLON, Directrice de projet et Administratrice de l’OBS.
« Quelle belle énergie, quel enthousiasme contagieux, quelle confiance profonde dans la promotion d’un nouvel outil dans notre écosystème Travail !
De quoi parlons-nous exactement d’une agora dématérialisée qui rend le travail efficace, performant, porteur de sens pour tous et cette-fois ci promis elle sera techno-compatible avec les plus réfractaires.
A ce stade, la question serait plutôt de conclure sur Digital Workplace énième mystification pour rendre le travail moins pénible ?
Voici que nous vantons ici, depuis presque 10 ans après l’avènement des réseaux sociaux, un nouvel outil porteur de toutes nos attentes en matière d’efficacité, de performance, d’instantanéité et de contacts. Ce récit, nous l’avons tous déjà entendu et écouté, la question que je pose est avons-nous décidé d’énoncer notre décennie de frustrations dans les réseaux sociaux que nous n’avons pas su tous, à part des exceptions, pérenniser dans nos cultures travail ?
Alors la question serait plutôt Digital Workplace une légende urbaine pour les grosses structures ?
OU … Ce choix : mon choix que je vous impose par domination du pupitre : la réalité de l’instant présent. Nous tous, ici réunis, nous sommes en train de grossir une communauté enviée de salariés qui aimons travailler et qui recherchons le plaisir dans le travail. Oui, ici pour nous tous point de tripalium, nous ouvrageons en bonne entente et trouvons dans le progrès technologique un moyen d’améliorer de mieux comprendre nos difficultés et préparer sereinement notre futur ou le jour d’après. Il s’agit de notre désir le plus cher.
Et c’est de ça dont j’ai envie de vous parler et conclure notre rencontre d’aujourd’hui.
Le plaisir procuré par le travail lorsque les désirs mis en musique magistralement ont été exaucés, et ce indépendamment d’un dogmatisme technologique. Dans la mythologie grecque, les désirs ne sont illustrés que par la volonté de dominer, le plaisir est lié essentiellement au sexe. La notion de mythe, est introduite dans notre langue en 1840 en plein courant romantique. Auparavant il ne s’agissait que d’un concept intellectuel ouvert uniquement à ceux qui avaient fait leurs classes en étudiant les anciens dans le texte. Le mythe renvoie au domaine onirique, au fabuleux, il s’agit d’un récit fantastique relatant les aventures de dieux ou de demi-dieux pour expliquer des tabous ou des atermoiements purement humain (la curiosité avec Pandore, la vanité avec Icare, la prétention avec Sisiphe, l’inceste avec Oedipe).
Avant 1840 ce mot est un mot précieux qui n’est pas universel car non partagé par le collectif.Est-ce à dire que le mythe est confisqué par un collectif de sachants dominants qui ne partagent pas ?Le mythe nous fait réfléchir sur nos imperfections et il s’agit d’un exercice individuel qui aboutit à une prise de contact avec le réel. Le mythe devance la réalité, il s’agit même d’une forme de conduite de changement pour nous faire accepter notre réalité à la destinée funèbre. Nous allons tous mourir. Rassurez-vous Grâce à Montaigne nous l’acceptons car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition.
Le courant romantique se fonde sur la prise de conscience de la nature, du soi, de ces personnages féminins attirants par leur faiblesse ou leur force pour aboutir par l’un des plus illustres tableau de ce siècle tellement réel préfigurant le courant réaliste : l’origine du Monde. Le mythe nous fait rêver et donne corps à notre réalité.
La réalité est une construction sémantique du moyen-âge du XIIème siècle, très exactement, créée en plein milieu du gothique flamboyant, des cathédrales et du travail en compagnie/ guilde/confrérie : ce travail se veut, ouvert, collectif et donc universel ; composé d’une racine qui signifie la chose (res) en latin et d’un suffixe -alisqui signifie le sentiment d’appartenance. Notre réalité est la conjonction d’une chose et le sentiment de faire corps avec quelque chose plus vaste.
Le mythe est intériorisé, la réalité est le partage d’une expérience plus vaste que notre individualité. « L’expérience ne trompe jamais, ; seuls nos jugements errent ! » Léonard de vinci dans son codex atlanticus.
Le mythe et la réalité sont deux temps qui scandent notre humanisme, les désirs exhaussent notre plaisir. Le Digital Work Place cause un plaisir pour ceux qui en ont fait la promotion, quelle était la nature de leurs désirs ?
- Ne plus être seul face à l’outil travail d’où les contacts stay in touch ?
- Donner du sens à leur mission via la responsabilisation et la prise d’initiatives ?
- Simplifier les tâches subalternes les automatiser ou les confier à la machine pour se concentrer sur la substantifique moelle du travail ?
- Se sentir unis dans l’accomplissement du travail ? Entraide, solidarité ce sentiment de faire équipe ou de n’être qu’une équipée/age.
- L’intérêt supérieur de la mission
Ces désirs ne relèvent d’aucun mythe ils sont profondément ancrés dans la réalité de celui qui désire. D’ailleurs aucun mythe ne traite de ce désir profond de faire partie d’un tout vivant dynamique mû par le même vent dans la même direction. Je dirais même plus à la recherche de ce même plaisir dans l’écosystème travail. Lafontaine ne narre pas un récit mythique mais bien une réalité : « Travaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins. » Seul la légende de la Table Ronde nous permet d’approcher le Saint-Graal et ce sans vilain jeu de mots.
Alors mon questionnement foisonne en mille questions :
Peut-on désirer sans dominer ?Pourquoi conduire le changement, s’il est partagé et accepté par tous ? S’il s’agit de la meilleure solution, elle sera adoptée sans heurts ni violence. Pourquoi vouloir changer les opinions si ce n’est vouloir dominer au nom de l’intérêt supérieur ? En tant qu’entreprise, suis-je dominée par les désirs de mes cadres supérieurs voulant partager leur plaisir du travail ? Les cadres supérieurs peuvent-ils dominer ce désir de vouloir imposer leur culture du plaisir du travail ?
Les nouveaux usages sont issus d’une appropriation de la base et non de l’élite. L’élite peut être un ambassadeur marketing mais l’usage le sera forcément par la force qui produit et qui est convaincue de sa valeur. Quelle est la part de réalité dans, « nous sommes tous contrôlés par la culture dominante de la recherche de plaisir au travail » ? Quel est donc ce plaisir qui y est énoncé, le fait de faire partie d’un ensemble qui bat au même rythme que vous ou celui de faire partie de l’équipe qui bâtit une cathédrale au sein de l’organisation travail ? pour pérenniser sa force de travail et l’inscrire dans l’éternité ? ad vitam aeternam Est-ce une énième mystification de l’expérience salariés ? Quelle est la part du mythedans la dématérialisation de l’agora ? Revenir à l’essentiel ou à une utopie du même acabit que l’entreprise libérée ? Est-ce une volonté d’inscrire dans la réalité la science de la marque employeur ?
Digital Workplace n’est pas un mythe elle est la réalité vécue et mise en musique d’un plaisir qui lui est peut-être un mythe, mythe qui se finit tragiquement Prométhée qui apporte le feu aux hommes. »