Les impacts de la digitalisation sur l’efficacité du dialogue social

La transformation de l’entreprise, l’émergence de nouvelles façons de travailler, de manager ne sont pas sans avoir d’impacts sur les relations sociales.

Celles-ci sont placées sous la logique du lien de subordination et place les organisations syndicales comme responsable de la défense du salarié. Nous sommes dans une conception de dépendance, d’autorité et de collectif a l’exact opposé des principes d’un réseau social et d’une entreprise libérée.

Nous mesurons là encore le fossé entre la réalité du travail dans les entreprises qui apprennent au jour le jour les usages du numérique et les textes réglementaires qui s’appuient sur la réalité d’une entreprise d’il y a au mieux 15 ou 20 ans.

Vincent BERTHELOT - RATP

Vincent BERTHELOT

Le travail engagé dans ce mémoire permet de mesurer ce fossé, comprendre les réticences tant des DRH que des organisations syndicales à basculer vers ces nouveaux usages. Le premier par manque d’encadrement juridique, le second par crainte de voir encore plus s’affaiblir son rôle de corps intermédiaire et représentants des salariés. Qui de la représentativité syndicale face à la représentativité du réseau social ?

Les propositions formulées ont le mérite de tenter de débloquer cette situation et ranimer un dialogue social aux acteurs essoufflés avec un public de moins en moins nombreux.

Ne nous trompons pas c’est encore avec les partenaires sociaux historiques que les directions doivent piloter la transformation de leur entreprise et elles  doivent accepter le fait que le réseau social peut aussi être un moyen d’éviter une externalisation du dialogue social sur le web en lui donnant une vraie place en interne.

On ne peut reprocher aux syndicats d’être dépassés tout en les limitant à distribuer des tracts à l’entrée de l’entreprise. On peut en revanche leur montrer que le mouvement vers une prise de parole de plus en plus individuelle et affirmée (qui peut évoluer vers des prises de position naturellement collective) nécessite une adaptation de leur part.

Cette transformation de l’entreprise ne peut se faire aux prix des différents acteurs de l’entreprise si nous désirons associer performance sociale et économique.

Il faudra donc aux RH œuvrer pour dénouer les crispations et permettre de faire émerger avec les différents acteurs concernés un renouveau du dialogue social au travers du digital.

Dans le cadre du master de « négociations et relations sociales » proposé par Paris-Dauphine , Bruno, Jacques et Frédérique ont travaillé sur un mémoire portant sur ‘’. Ils ont choisi ORANGE comme terre d’investigation, entreprise mature dans le développement et la promotion de la digitalisation auprès de ses salariés.

VB

Opportunités et risques sont les deux faces consubstantielles de la digitalisation. Et en aucun cas, ces deux aspects ne s’opposent ou se neutralisent les uns les autres. Les opportunités du digital sont porteuses de risques potentiels et les risques du digital peuvent ouvrir des champs d’opportunités dans l’espace du dialogue social.

Comment les DRH et les OS doivent-elles se saisir de cette mutation pour améliorer leur approche du dialogue social et le rendre plus efficace ?

Quelles sont les réponses face aux attentes d’un corps social qui a intégré mais pas toujours bien assimilé ces nouveaux instruments dans ses pratiques quotidiennes ?

ORANGE est de ce point de vue plus impliquée que la moyenne des entreprises du CAC 40 si l’on en juge par la publication semestrielle de son baromètre social. Si la mesure qualitative de l’impact du digital sur les risques psycho-sociaux est prise en compte dans le cadre de la mise en place de nouveaux outils, l’évaluation des pratiques du digital et son impact sur le dialogue social ne sont pas encore complètement définis.

Ce sujet restait donc à investiguer. De quelle manière les acteurs sociaux perçoivent-ils l’apport du digital dans leur univers professionnel ?
Quels sont les outils qu’ils jugent incontournables pour un dialogue social de qualité ? Quelles opportunités et quels risques sont-ils susceptibles de générer ?
Quels impacts produisent-ils sur la mission des instances représentatives du personnel ?

Ces questions sont au centre de la réflexion menée dans le mémoire. Elles sont posées dans le cadre d’une enquête qualitative réalisée entre janvier et mars 2015 auprès de managers d’élus, de salariés travaillant à la DRH et de représentants du personnel d’ORANGE. La méthodologie s’est appuyée sur des entretiens individuels d’une durée d’une heure environ sur un panel de 25 personnes.

Il en ressort que le digital n’a pas vocation à précipiter dans le vide la performance économique et sociale de l’entreprise. L’ enquête a d’ailleurs mis en lumière le fait que le digital n’a pas les effets pathogènes redoutés. L’immense majorité des sondés s’accorde à reconnaître que le digital simplifie le quotidien. Une forme de maturité liée à la pratique répétée des outils, sous toutes ses facettes, et notamment collaboratives tend à prouver que l’usage est sous contrôle. Néanmoins, le bilatéralisme qui prévaut jusqu’à maintenant dans la relation entre les représentants du personnel et représentants de la direction pourrait être remis en cause au profit d’une relation triangulaire au sein de laquelle s’inviteront les salariés.

Les réponses apportées par ces différents utilisateurs de la digitalisation ont ouvert les pistes de réflexion qui constituent l’axe fondateur et central d’une proposition d’ accord à négocier qui peut se découper en trois grands axes :

1-Mettre en place de nouveaux espaces d’échanges collaboratifs et de prospective :

  • Création d’un espace mixte salariés / IRP-OS avec des communautés par thème afin de favoriser l’interaction salariés/IRP.
  • Création d’une communauté partagée entre IRP-OS / RH pour partager les projets d’accords ,favoriser le travail collaboratif.

2-Accompagner l’utilisation des outils

  • Privilégier les réunions par visio
  • Mettre en place des tutoriels sur la BDES par exemple et faire ainsi monter les acteurs en compétences
  • Maitriser les risques portés par le digital   Actions de prévention, exercice du droit à la déconnexion

3-Renforcer l’efficacité du dialogue social

  • Interroger les salariés sur la digitalisation pour un suivi dans le baromètre social
  • Bilan annuel de formation incluant le nombre de salariés formés au dialogue social et à la BDES
  • Utiliser la BDES comme un outil de performance partagé entre OS et DRH

Le digital ouvre encore des perspectives très favorables s’il parvient à fédérer de nouvelles énergies et de nouvelles idées. Orange s’emploie à l’accompagnement des salariés dans les nouveaux modes de fonctionnement induits par le digital et à faire en sorte que chacun évolue avec facilité dans ces nouveaux environnements. Pour gagner ce défi, les partenaires sociaux devront mettre à profit la formule sage et éclairée du célèbre économiste et essayiste britannique John Maynard KEYNES « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux anciennes ».

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