Grégory Maubon est responsable des données et coordinateur numérique au sein de HCS Pharma, start-up biotech spécialisée dans le high content screening et les pathologies complexes. Il y gère l’ensemble des missions IT et coordonne les usages du numérique en lien avec les besoins de l’entreprise. Il est également Tech Evangelist en réalité augmentée depuis 2008, année durant laquelle il a créé le site www.augmented-reality.fr. En 2010, il a également co-fondé RA’pro, l’association de promotion de la réalité augmentée.
Pourquoi et comment la réalité augmentée a-t-elle réussi à s’imposer dans l’industrie et comment l’intelligence artificielle intervient-elle en complément aujourd’hui ? C’est ce que Grégory Maubon nous a expliqué lors de son intervention.
Tout d’abord, il faut bien distinguer réalité virtuelle et réalité augmentée. Ce sont deux choses différentes, même si les deux technologies partagent un certain nombre de points communs comme les algorithmes et le matériel utilisé. On parle de réalité virtuelle lorsqu’on s’isole complètement du monde réel pour vivre une expérience, en mettant un casque par exemple. Cela va permettre de visualiser un nouveau prototype en 3D, de se former à distance en simulant des situations particulières ou de tenir une réunion immersive. Bien que les univers virtuels soient complètement créés par ordinateur, on inclut par abus de langage dans cette catégorie, les vidéos et les photos à 360°. La réalité augmentée quant à elle, fournit des informations à l’utilisateur avec lesquelles il peut interagir. Elle permet d’afficher des données virtuelles et de rajouter de l’information dans un environnement réel, en temps réel et de manière interactive.
En pratique, on commence à aller plus loin dans les usages de la réalité augmentée. Dans les entreprises, on voit que la réalité augmentée va faciliter le travail des salariés grâce à l’utilisation des données qui existent dans le système d’information. L’idée aujourd’hui à travers cette technologie, c’est d’apporter au salarié les informations directement en contexte. C’est par exemple la fonction d’assistance à distance, qu’on appelle aussi remote assistance, qui va permettre à un expert de voir ce que vous faites et d’intervenir en direct. Ces technologies existent déjà aujourd’hui sous un angle d’utilisation très pragmatique avec des cas d’usage qui ne sont plus des prototypes et qui sont déjà rentables. C’est le cas par exemple dans l’industrie et plus particulièrement dans les secteurs de la logistique et de la fabrication.
Chez DHL, la réalité augmentée va guider les opérations de logistique. Elle va amener les opérateurs vers les colis à mettre sur les palettes, leur apporter des informations intéressantes comme le poids du colis et le fait de ne pas le manipuler à la main. Dans la logistique, le picking ou la préparation de commandes en entrepôt connaît un rendement supérieur à 30 % voire 50 %, une réduction des erreurs de 90 %, et dans le contrôle qualité, on constate une diminution de 50 à 96 % grâce à cette technologie.
Comme pour l’intelligence artificielle, la réalité augmentée est transverse à tous les domaines d’activité, on peut l’utiliser pour de la visualisation avant et pendant une opération médicale. C’est le cas avec le chirurgien qui, dans une opération, est assisté par HoloLens, un casque de réalité augmentée. Il existe bien d’autres exemples. La formation utilise également la réalité augmentée, on peut recréer ainsi une situation avec de nombreux avantages dont la traçabilité qui permet à l’apprenant et au formateur de voir ce qui a fonctionné ou non.
Dans la vie de tous les jours, on peut citer l’application de réalité augmentée « YouCam Makeup » qui va permettre de tester virtuellement des produits de beauté avant de les acheter et donc faciliter et étendre le choix des consommateurs sans les inconvénients d’un essai réel. Dans le domaine du divertissement, la réalité augmentée va devenir un support de jeux pour les parcs d’attractions et les salles d’arcades, ce qui représente un réel avantage en termes de coût car le décor numérique peut changer en fonction du scénario.
La sécurité, l’amélioration des process, la gestion des risques et la productivité, sont autant de facteurs déterminants pour l’industrie. La réalité augmentée représente un marché très hétérogène où le retour sur investissement n’est plus à prouver, notamment dans le domaine de la formation avec des gains de temps dans l’apprentissage.
La réalité augmentée c’est finalement une interface qui consiste à croiser des situations réelles avec des données, afin de créer des expériences contextualisées et reconstituer des situations. Mais il faut en amont disposer de beaucoup de données utilisateurs, de bonnes données, au bon moment, au bon endroit, concernant les bonnes personnes… et les exploiter. Pour y arriver, il faut traiter, et analyser les données. C’est le rôle de l’intelligence artificielle qui va être utilisée pour filtrer ces données.
Tout cela doit nous amener à nous pencher sur certaines problématiques. Tout d’abord, il faut rester vigilant concernant l’impact social de la réalité augmentée sur le fonctionnement de l’entreprise. Comment peut-on fournir de l’assistance sans aller dans le contrôle ou même la manipulation ? Et puis il ne faut pas oublier les acteurs. Quel type de réalité augmentée souhaite t- on amener dans l’entreprise ? Qui la fabrique, qui la contrôle ? Enfin, les outils de réalité augmentée ont eux aussi besoin d’assistance parfois. Faudra-t-il apprendre à leur désobéir ?