L’intelligence artificielle au cœur de la transformation digitale des entreprises, Françoise Bayle – Orange

Dans le cadre de son plan stratégique, Orange mène un travail prospectif et transversal sur l’intelligence artificielle, ses enjeux, ses perspectives et ses défis au sein du Groupe. Pour en savoir plus, nous avons réuni autour de cette table ronde deux actrices de la transformation digitale du groupe Orange : Bénédicte Javelot, Directrice de la Stratégie, et Françoise Bayle, Directrice des Nouvelles Expériences d’Apprentissage.

Françoise Bayle avait présenté lors de « Netexplo Change » un de ses projets nommé « mon itinéraire », solution digitale mise en place par Orange. Elle permet d’accompagner les salariés dans leur parcours de carrière, mais en plus de cela, c’est une solution qui permet d’aller débusquer dans les pays du groupe les compétences et les talents. Françoise Bayle a alterné des postes fonctionnels et opérationnels. Elle dirige aujourd’hui les nouvelles expériences d’apprentissage du groupe Orange.

Françoise, au terme de ce travail prospectif et stratégique, quels sont les enjeux, les défis humains essentiels que pose l’intelligence artificielle dans un groupe comme le vôtre ?

Françoise Bayle : Nous sommes convaincus que c’est le moment d’élaborer une stratégie de développement du capital humain qui s’appuie sur les opportunités qu’offrent l’intelligence artificielle.

Aux termes de nos travaux chez Orange, on estime qu’à l’horizon 2025, 60 à 70 000 personnes vont être impactées dans leur métier et leurs compétences. C’est ce que j’appelle le « métier augmenté » : le gestionnaire de base de données deviendra « cogniticien » et éduquera l’intelligence artificielle. Dans le même temps, environ 20 000 personnes exerceront de tout nouveaux métiers. Nous verrons par exemple apparaître des « réparateurs d’intelligence artificielle » dont la fonction sera de contrôler en permanence que l’algorithme ne génère pas d’aberrations.

Parce qu’elle permet d’automatiser une partie du travail intellectuel, l’intelligence artificielle questionne nos compétences. Une compétence c’est du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. Le savoir, devient de plus en plus simple d’accès : inutile de passer un temps fou à l’acquérir s’il devient si simple à mobiliser. En revanche, les robots ne peuvent pas encore apprendre le savoir-faire et le savoir-être. Il est plus que jamais urgent et indispensable d’acquérir ces compétences transversales, indépendantes des métiers : être créatif, savoir travailler ensemble, communiquer, etc. Il est temps pour les DRH de s’emparer de cette question : développer l’« intelligence augmentée » pour enrichir le travail et l’organisation et non l’appauvrir.

Comment acquérir ces compétences, ces savoir-être et savoir-faire si précieux, qui feront la différence demain avec l’intelligence artificielle ?

Il s’agit de mettre l’apprenant au centre de la démarche et de le rendre autonome. Face à la vitesse à laquelle nos compétences doivent évoluer, il est clair qu’on ne peut plus rester dans une logique où le

DRH décide de quelle formation je dois suivre, à date et jour fixes. Il faut laisser la main à l’apprenant pour qu’il puisse se développer en permanence, 5 à 10 minutes chaque jour s’il le souhaite. L’intelligence artificielle devrait aussi nous aider à mieux comprendre le comportement de l’apprenant et à adapter l’apprentissage. Cette technologie permet enfin de créer des espaces de travail virtuels, ce que nous expérimentons déjà avec la réalité virtuelle et augmentée.

L’apprenant peut ainsi non seulement acquérir mais aussi pratiquer en situation à des coûts très limités. Nous pourrons aussi développer l’apprentissage coopératif et collaboratif : faire en sorte qu’un technicien qui est au Cameroun puisse échanger en développement de compétences avec un technicien qui est à Vichy. Ainsi l’intelligence artificielle va nous conduire à repenser complétement le modèle de formation.