5eme rencontre, Mentorat 2.0 et Réseaux Sociaux d’Entreprise, un défi intergénérationnel ?

 

Frederic LAVENIR Responsable des RH pour le Groupe BNP PARIBAS


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Frédéric Lavenir, Responsable Ressources Humaines du groupe BNP Paribas

Les Réseaux Sociaux sont incontournables comme sujet de réflexion, comme fait de société. Incontournables, car ils font désormais partie de la vie quotidienne des générations les plus jeunes (20-30 ans) qui baignent dans cet univers des réseaux sociaux, devenus des outils de communications banalisés.Mais, en même temps, ces réseaux sociaux sont une extraordinaire opportunité pour nos entreprises, car ce sont des outils opérationnels, et ce sont aussi des outils de ressources humaines, car ils contribuent à la motivation, l’engagement, l’adhésion du collaborateur au projet d’entreprise et à la culture d’entreprise.
Le réseau social en entreprise doit être une opportunité et non une menace, un progrès, une contribution à l’efficacité de l’entreprise et au bonheur au travail des collaborateurs, et non pas le contraire.

Un réseau social entreprise est riche, il fonctionne dans le dialogue et l’échange, c’est un outil « généreux ».

Mais il pose aussi un certain nombre de questions éthiques ; dès qu’une pratique se développe à l’échelle d’une entreprise, il faut définir des « règles du jeu » – qui peuvent être des « règles d’utilisation », des « règles de comportement »…-

Il est nécessaire de mener une réflexion élaborée sur ce sujet, tant pour les réseaux sociaux internes, que pour les réseaux sociaux externes (professionnels ou publics comme Facebook).

Le réseau social permet-il de répondre au défi intergénérationnel ?

La relation de nos collaborateurs aux réseaux sociaux n’est en général pas la même suivant les générations auxquelles on s’adresse (même si c’est au départ avant tout une question d’individu).

Par conséquent, quelle est la meilleure manière de mettre en œuvre des outils qui ont par nature vocation à mettre les personnes en communication dans un environnement hétérogène ?

Le réseau social peut créer un échange égal entre celui qui est à l’aise avec un outil et qui est en attente du savoir professionnel, et celui qui détient un savoir-faire professionnel, une connaissance de l’entreprise, un réseau personnel, mais qui est peut-être, à priori, moins à l’aise avec le réseau social;

Cet échange peut-être très puissant, répondant ainsi à ce défi qui est dans toutes les entreprises d’Europe continentale, celui de la préservation du savoir faire détenu par les collaborateurs les plus expérimentés.

 

Introduction : Ziryeb Marouf, Président de l’Observatoire des RSE

 

Ziryeb MAROUF


Ziryeb Marouf,
Président de l’Observatoire des RSE

Origine du mentorat

L’origine du mentorat est à chercher dans la Grèce antique. En effet Ulysse, avant de s’en aller affronter ses ennemis lors de la guerre de Troie, décida de confier à Mentor, un vieil ami, la gestion de son patrimoine et l’éducation de son fils, Télémaque.

 

Mentor devint en quelque sorte le précepteur de Télémaque en le guidant dans ses différents choix.

Définitions des mots-clés :

A chaque mot clé, on peut associer des adjectifs qualificatifs significatifs :

  • Mentor = sage, confiant, d’honnête, volontaire et généreux.
  • Mentoré = disponible, ouvert, en quête de développement personnel, de réalisation de soi.
  • Relation = gratuite, confiance, avec pour objet une transmission des savoirs

C’est un lien privilégié entre deux personnes qui se fait sur le long terme.

C’est une relation à distinguer du tutorat qui se fait sur le court terme.

Ce fait mythologique où Ulysse prie Mentor de s’occuper de son fils est une donnée valable pour le monde actuel de l’entreprise. Il y a des rapprochements à effectuer entre cette fable mythologique et la réalité actuelle.

Qui est qui ?

Ainsi on peut considérer que le senior est Mentor, car il représente cette figure de la sagesse, celui qui dispose des connaissances, qui connaît parfaitement l’entreprise et qui est apte à transmettre ces connaissances aux plus jeunes de l’entreprise. Le parallèle peut être poursuivi puisque l’entreprise serait Ulysse, et le jeune apprenti (junior) serait Télémaque.

Cette analogie est d’autant plus pertinente que, dans une entreprise, les personnes qui sont considérées comme seniors apparaissent comme des « Hubs », c’est-à-dire comme un chaînon indispensable dans cet ensemble organisationnel qu’est l’entreprise. De ce fait, se passer des services d’un élément aussi important, c’est prendre le risque de perdre des informations stratégiques qui ne sont pas nécessairement gravées dans le marbre.

(Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…- Lamartine -)

Quid du mentorat aujourd’hui ?

Aujourd’hui mentorat est réservé à une élite, mais peut-il toucher une population large ?

La question mérite réflexion, car d’une part elle pose la difficulté de la mise en œuvre d’une telle relation, et d’autre part, elle oblige à prendre en compte les réalités statistiques de la pyramide des âges qui est déclinante. Cette pyramide des âges souligne que de nombreux départs à la retraite auront lieu dans la décennie à venir. Il devient donc indispensable de faire prospérer le capital humain des individus en âge de partir à la retraite, au sein de l’entreprise.

Ainsi la mise en place d’une telle relation peut être organisée par l’entreprise pour atteindre des objectifs ciblés. Il s’agit donc d’organiser le mentorat en un programme formel.

  • Si l’on doit organiser le mentorat au sein d’un programme formel, quelle est alors la place pour spontanéité ?
  • Quelle motivation pour les seniors dans ce programme ? (Ont-ils quelque chose à gagner) ?
  • Quelle réciprocité pour les jeunes, autrement dit, que vont-ils apporter aux seniors ?
  • Quel changement dans les « règles du jeu », dans le management ?

Comment identifier les compétences des seniors ? et les faire correspondre à celles des juniors ? Comment mettre en relation les groupes (mentoré et mentors) ?

Le réseau social apparaît comme une solution à des différents problèmes car ses principes sont : collaboration, information (agrégation des flux internes et externes), création de lien (principe même de la relation mentorale).

Thierry VALDANT

Thierry Valdant,
Head of New Technologies and Online Channels –
Corporate & Investment Banking (CIB)
2006 : Création de blogs et wikis, installation de Blue Kiwi
2008 : Echec de la communauté issue de Blue Kiwi, en partie dûe à la crise économique. Recherche d’une solution open source
2010 : Un pilote est lancé : création de la première communauté business
Fin 2010 : G100 : création d’un réseau social dédié spécialement à 100 managers du Groupe
2010/2011 : Création d’un réseau social plus large (CIB People qui est aujourd’hui devenu BNP Paribas People), car les communautés ne s’arrêtent pas aux frontières d’un pôle ou d’un métier, elles sont transverses.
Bilan : Aujourd’hui 4000 membres et plus de 210 groupes à fin août

Caractéristiques de BNP Paribas People (BN3P) :

BNP Paribas People est articulé autour de 3 axes : Profil/ Connexion /Groups

La priorité a été donnée à la simplicité de la navigation.

Dès la page d’accueil, on accède très vite aux profils (données administratives issues de l’annuaire Groupe, et données déclaratives saisies par le collaborateur)

On peut donc rechercher des expertises et des thèmes d’intérêt par les mot-clés.

Chacun peut créer son groupe : il existe des groupes business, des projets, des groupes créés pour développer l’animation de filières – Communication, ressources Humaines -…

Le collaborateur choisit de s’abonner aux notifications (Groupes, Topics)

 

Quelques exemples de communautés :

Marie-Aude ANDRIER

« Com’Unity »,  animée par Marie-Aude Andrier, Chef de projets en Communication, MCQ
A travers Com’Unity Network, communauté « mère » de BN3P, objectifs principaux:· Améliorer la connaissance des communicants entre eux· Encourager l’échange et la partage. Valoriser l’information et l’échange de bonnes pratiques=> améliorer le fonctionnement de la filière au quotidien
Point d’étape :
Après deux mois de fonctionnement, 1400 membres, 10 groupes.
Un premier bilan sera effectué dans un an.

Challenges :
· Désacraliser l’outil, faire comprendre son utilisation
. Faire connaître sa valeur ajoutée dans l’efficacité opérationnelle
. Faire adhérer à un nouveau mode de communication

Communauté « Project Finance » de CIB
Objectif : Créer du lien pour des collaborateurs dans le monde entier.
Point d’étape : 200 membres, une dizaine de groupes

Communauté « HR Network »
Objectif : Favoriser le networking, partager les bonnes pratiques.
La communauté regroupera plus de 3600 collaborateurs de la filière RH répartis dans le monde.

Communauté « Mentorat » de l’Association des Cadres de Direction
Objectif : Favoriser la mise en relation de mentor et mentoré.
Le lancement est prévu fin 2011.

Questions/ Réponses

Avez-vous des animateurs de communautés en tant que tel ?
Il n’existe pas d’administrateur de communauté en tant que tel. L’animation des communautés est déléguée aux responsables de ces communautés. Généralement c’est le responsable du métier qui organise lui-même sa communauté.

Comment assurer la sécurité, comment garantir confidentialité, traçabilité ?
BNP Paribas people (BN3P) n’est pas une architecture où se discutent des dossiers sensibles. L’outil est validé par la sécurité, connecté au LDAP (annuaire central). On s’y connecte via son mot de passe et son identifiant annuaire. Le collaborateur, quand il se connecte pour la première fois doit accepter les « Terms of use ». Concernant le profil du collaborateur, il existe une distinction entre la partie déclarative (listes des champs plutôt limitées, les compétences n’y sont pas identifiées) et la partie formelle (Annuaire central).

Existe-t-il des règles du jeu partagées par tous ? Comment partager ces règles du jeu ?
« Terms of use » reprend les règles du jeu. Ce sont des règles du jeu classiques, très généralistes, à compléter. Aujourd’hui, une réflexion est menée pour améliorer le « Terms of  use » en lien avec les juristes Groupe.

Combien d’utilisateurs ? Combien de temps passé sur le RSE ?
4000 personnes sur 200 000, puis d’ici novembre, 8000 (avec l’arrivée de la filière RH). Pour le moment les statistiques existent mais doivent être développées.

Les 1400 membres de Com’Unity ont-ils été volontaires pour participer à cette communauté ? Comment communiquer sur les usages ?
Le cœur de cible initial comportait 600 personnes.
Les responsables de pôles ont été interrogés sur la nécessité d’élargir le cœur de cible. On a dénombré 1400 personnes, soient 800 personnes supplémentaires qui avaient besoin de l’information véhiculée par la communauté. Toutes ces personnes ont été intégrées à Com’Unity.
Les responsables de communautés sont libres de communiquer sur les usages. Le système d’ambassadeur a été adopté par Com’unity afin de faire redescendre l’information dans les équipes et ensuite identifier les community managers pour expliquer le fonctionnement de l’outil.

Le grand témoin :

Louis TREUSSARD - Sophie DELMAS
Louis Treussard, Directeur Général de l’Atelier BNP Paribas, et Responsable E-Communication du groupe BNP Paribas
interviewé par Sophie Delmas

 

Quel regard portez-vous sur ce défi intergénérationnel ?

Une donne importante a prendre en compte : nous avons 3 générations qui vont travailler ensemble (enfants, parents, grands-parents), ce que nous pourrions résumer avec la Règle des trois T, la vie en trois temps :

  • Dans un premier T, c’est celui des jeunes qui sont en apprentissage et ont besoin de gagner en crédibilité …
  • Le deuxième T, c’est celui des parents, du savoir être, du savoir faire,
  • Le troisième T, c’est celui des seniors, transmetteur du patrimoine de l’entreprise, son ADN.

Ca, c’était déjà la photo du siècle dernier au sein de l’entreprise, générant une stratégie top down pour le transfert de connaissance et l’accompagnement des plus jeunes.

La règle des 3 T existe aussi tout au long de la carrière lorsque le collaborateur
– prend un nouveau poste,
– a acquis de l’expérience, on a du savoir,
– va être en mobilité, et recherchr un nouveau poste (il rentre alors dans une démarche de « personal branding »).
Aujourd’hui, depuis une dizaine d’année, nous vivons un phénomène nouveau, une formidable opportunité avec le digital :
Les jeunes amènent dans leur bagage avec le digital, ses usages, ses codes et sont de plus en plus enclins au travail collaboratif (tout en étant conscient de l’importance de leur personal branding dans le meme temps)

C’est donc grâce aux Y que va s’opérer le changement dans l’entreprise.

Les jeunes deviennent donc au même titre que les deux autres générations transmetteurs de savoir.

Qu’est-ce que le Digital ?
C’est le spectre complet des outils et moyens numériques de faire du business : réseaux sociaux bien sûr, mais également mail, visio-conférence, plate-formes conversationnelles, mobiles…

Comment associer le digital au mentorat ?

Cela permet :
– d’identifier les expertises,
– de partager plus facilement un savoir (échelle internationale, multiplicité des interlocuteurs, multiplicité des compétences),
– de favoriser la mixité (un seul liant).

Quels risques, quelles déviances ?

Plusieurs risques peuvent freiner la mise en place de mentorat via le digital :
Démultiplication des outils,
– Pas d’inter-opérabilité des systèmes
– Pas d’accompagnement des collaborateurs : on a tendance à penser que la facilité d’utilisation constitue une panacée; ce faisant on néglige l’accompagnement des collaborateurs. En effet, les collaborateurs sont souvent préoccupés par l’arrivée de ces nouveaux outils, ils sont en quête d’une aide individualisée, qui serait à même de soulager leurs inquiétudes.
– La non-valorisation du mentorat (et plus généralement de la collaboration, des contributions) par les managers et les RH. Le système d’évaluation doit évoluer …

Un outil digital intéressant au sein de BNP Paribas ?

Backstage est la plate-forme qui incarne le mieux cette nécessité de communiquer.
Le principe de Backstage, c’est de mettre en relation des experts de BNP Paribas avec des  candidats potentiels et de répondre à leurs questions sur des postes, des parcours de carrière, des valeurs au sein du Groupe (Diversité notamment).
Backstage offre la possibilité de communiquer en s’affranchissant de la géographie et  d’imaginer l’entreprise de demain.
Il existe une vingtaine d’experts présents sur Backstage. Il faut y voir les prémisses d’un accompagnement réel dans le Groupe par des « mentors », avec cette notion de confiance, de transparence.

Un conseil pour favoriser la mise en place du mentorat via le digital ?

Attention au fait que le virtuel ne suffit pas…
N’oublions pas que les Gen Y utilisent beaucoup les réunions en présentiel, plutôt qu’en virtuel, il suffit pour s’en convaincre de regarder les créateurs de start-up…

Table Ronde

Julien Cotte, HR Community Manager, Alcatel Lucent

Jean Pralong, Professeur, Rouen Business School

Martin Roulleaux-Dugage, Directeur du Knowledge Management, Areva

Mithra Sarrafi, Responsable Projet, MM@cademie

Animée par Jean DARIES & Ziryeb MAROUF

 

Table ronde

Mithra, vous êtes Ingénieur INSA de Lyon, après 9 années passées chez Accenture, vous rejoignez le groupe COVEA, d’abord à la GMF puis au pilotage du projet de fusion AZUR-MMA. Depuis, vous êtes rattachée à la direction de la planification stratégique MMA et participez à la création fin 2007 de l’université d’entreprise MM@cadémie.

Pouvez vous nous présenter la MM@cadémie ?

C’est avant tout une équipe rattachée à la Direction Générale, avec deux axes de travail : celle de vigie stratégique et celle du laboratoire de volontaires : nous sélectionnons des thèmes qui peuvent avoir un impact sur notre métier d’assurance et nous les explorons et expérimentons avec des membres de la famille MMA, agents et salariés.
Ainsi début 2008 un des thèmes retenus a été celui de l’impact du Web 2.0 sur l’entreprise . Nous avons envoyé un groupe en exploration dans la silicon valey et nous nous sommes dotés d’une solution collaborative en mode cloud  baptisée «  Le CampusMM@academie ». A ce jour,  près de4000 comptes ont été ouverts, sur le mode du volontariat, et plus de 120 communautés(business, bonnes pratiques , innovation ) ont été créées. MMA a également créé un pilote de gestion social des savoirs qui porte le nom de MMApédia, elle fonctionne sur le modèle de Wikipedia et favorise la transmission du savoir et la mise en relation des personnes.

Julien, vous êtes diplômé de l’Institut de Gestion Sociale, vous intégrez Alcatel-Lucent en 1998 au sein des équipes Campus Management. Par la suite, vous occuperez plusieurs fonctions telles que Chargé de Personnel, Responsable Ressources Humaines et DRH Business partenaire. En avril 2010, vous devenez «HR Community Manager» et prenez la responsabilité de la politique RH 2.0 pour Alcatel-Lucent en France, poste que vous occupez actuellement.

« Engage » est le RSE d’Alcatel-Lucent, de quoi s’agit-il, en deux mots ?

Alcatel-Lucent dispose d’un réseau social, Engage, qui a été mis en place en juin 2010. Ce RSE a été voulu par le PDG qui n’hésite pas à interagir. A ce jour, plus de 60 000 collaborateurs du groupe (sur les 80 000) ont créé leur profil.

L’idée est de casser les silos, d’être connecté, collaborer et échanger afin d’améliorer le business de l’entreprise.

Jean, vous êtes professeur de GRH et titulaire de la chaire « nouvelles carrières » de la Rouen Business School. Vos recherches et vos enseignements explorent l’apparition de nouvelles trajectoires professionnelles ainsi que l’évolution des relations entre entreprises et individus. Vous avez été auparavant consultant en GRH, manager dans un cabinet de conseil puis responsable du développement des RH dans un groupe international de travail temporaire.

Où se situe la problématique de l’intergénérationnel ?

Avant de répondre à cette question, il faut noter que …
· La créativité est au cœur du 2.0, mais ce mot a été très peu cité…
· Le mentorat diffère du Knowledge management.

Il existe de nombreux clichés sur les jeunes et les seniors, mais :
· Le fossé intergénérationnel n’est pas là où l’on pense. Il faut d’abord réfléchir à ce que l’on veut transmettre.
· La génération Y est un mythe. Dans toutes les générations, il y a des collaborateurs qui ont un sens technologique très développé.

Le transfert des connaissances au sein de l’entreprise est statique pour l’instant (figure du manager). Cet état statique fait ressortir le manque de créativité et montre que les règles de comportement sont pour l’instant très figées.

La transmission des héritages des jeunes et moins jeunes se fait dans un très grand conservatisme. L’assouplissement de ces règles ne donne pas forcément plus d’autonomie. Quel est le bon comportement ? Quelles sont les règles comportementales autour des règles morales et de la transmission des connaissances ? Comment le RSE peut-il être un outil de transformation des comportements ?

En effet plus l’outil est innovant, plus les comportements montrent de l’inquiétude. Et plus on est inquiet, plus on va se replier. « Le progrès naît de l’inquiétude »

Pour éviter cet écueil, le management 2.0 doit prendre en compte sérieusement la question de la créativité et la liberté.

Martin, vous êtes Ingénieur diplômé des Mines de Paris et MBA Insead. On vous a vu Ingénieur sur le programme Rafale chez Dassault, puis consultant dans de grands cabinets conseil en marketing / stratégie (Stanford Research Institute), Dans le groupe Schneider Electric, où vous occupez en France et aux Etats‐Unis différents postes de direction et où vous portez le programme « Knowledge Management ». Ensuite Directeur en charge du Knowledge Management chez Pricewaterhouse Coopers, vous occupez aujourd’hui la fonction de Directeur KM et Innovation à la direction de la recherche d’AREVA. Vous êtes auteur de plusieurs publications dont « Organisation 2.0 ‐ Le Knowledge Management Nouvelle Génération » aux Editions Eyrolles. Et tout cela ne vous a pas empêché de tenter l’aventure d’une startup « web 2.0 » à Boston avant l’heure, dans les années 2000.

Est-ce que la situation de crise favorise l’innovation ?

Oui, bien sûr, au sein d’Areva, nous l’avons encore constaté lors de la récente gestion de crise à Fukushima.
De manière générale, il est extrêmement important de donner au collaborateur un espace de liberté, pour lui permettre de transmettre son savoir. Et c’est cet espace de liberté qui est difficile à obtenir.

Il faut différencier l’organisation du travail de l’organisation du savoir.

Il faut dégager de l’espace de liberté, du temps de travail pour transmettre ce savoir, et lorsque le management s’en rendra compte, là nous serons dans le management 2.0, et là nous serons dans le mentorat.

C. Bébéar disait que l’entreprise est une « Democrature » (« Didacture » car nomination par le haut et en même temps, « Démocratie », car il y a une forme de montée par l’élection, c’est le cas des experts).

En quoi la création de ces réseaux sociaux favorise-t-elle le développement de ces espaces de liberté, et par conséquent la transmission du savoir ?

Mithra : Le réseau social va permettre d’identifier les expertises, nous pouvons citer le cas d’un expert MMA qui continue à participer aux échanges, alors qu’il est désormais à la retraite.

Julien : Dès  la création du réseau Engage, de nombreux groupes se sont développés, et nous sommes dans une relation de « mentorat collectif », où les membres échangent, grandissent.
Nous avons bien évidemment mis cela en place au sein des Ressources Humaines d’Alcatel-Lucent pour communiquer et partager.

Jean : Il ne faut pas se tromper. Le défi n’est pas la transmission du savoir, mais la capacité de générer des environnements créatifs. Comment construire des communautés avec des membres complémentaires, qui vont construire quelque chose ?

Le rôle de la fonction RH n’est pas que de contrôler. La part de maîtrise excessive est nuisible.

Julien : Le rôle de la fonction RH est de convaincre la DG et les salariés d’avoir un environnement qui va permettre à cela d’exister, et de plus, à faire évoluer les managers vers un management plus « collaboratif » (« contrôleurs » évoluent vers « animateurs »).

Martin : On ne peut pas limiter le mentorat 2.0 à la créativité, notamment pour les sujets nucléaires. Il s’agit vraiment pour nous de transmission du savoir (durée des projets très longue, réglementation très forte, sujet sensible).

Le mécanisme de cooptation est très développé à Areva. Pour preuve : la création d’une filière des experts dont le rôle est d’innover, orienter R&D, transmettre le savoir, aider les business.

Il existe aussi des jeunes experts. Ils doivent documenter le savoir pour cela ils sont amenés à effectuer d’importantes recherches qu’ils présenter sous la forme d’une soutenance de thèse. Réussir ces projets suppose de faire aux anciens experts. C’est ainsi que les connaissances restent vivantes au sein de l’entreprise.

Areva s’est donc efforcé de construire une relation junior/senior durable au travers de projets de type wikipedia. La volonté de créer un « wikipedia » émane d’abord des seniors. Par voie de conséquence le 2.0 ne peut pas reposer sur de simples principes généraux. Il doit s’appuyer sur la réalité, sur un retour d’expérience. Cette assertion est regardée avec d’autant plus d’acuité que les problématiques du nucléaire s’étalent sur le long terme (50 ans parfois).

Par ailleurs, du mentorat a été « institutionnalisé » chez Areva aux USA.

Une entité « Expert Connect » a été créée pour pouvoir faire intervenir en conseil des collaborateurs d’Areva qui sont partis à la retraite.

Des démarches « open innovation » ont été également entreprises (bottom up).

Des métriques ont été mises en place pour suivre l’activité de ces communautés (Nombre de membres, pourcentage de jeunes / seniors …)

 

Chez MMA, est-ce que le mentorat est uniquement un défi intergénérationnel ?

Mithra : On est désormais dans un système beaucoup plus transversal (transmission du savoir par « les pères » est devenue la transmission du savoir par « les pairs »).
Il faut s’appuyer sur les success stories pour communiquer et convaincre.

Freins

Considérer qu’il existe des générations différentes cela suppose d’anticiper les comportements et de faire attention aux clichés.

Focaliser sur la transmission de connaissances déjà existantes plutôt que de créer des communautés de créativité.

Métrique : comment mesurer les connaissances ?

Priorité donnée au business et non à la transmission de savoir : il faudrait trouver un business model associé.

Coût de création des communautés, on ne prend pas le gain en considération.

Gestion du court-terme.

 

Leviers

Demande des clients sur l’échange de connaissances (« racontez- nous une histoire autour d’un problème que vous avez eu »).

Evaluation via un 360 (par conséquent par les pairs)

Oser donner les espaces de liberté.

Oser s’exprimer.

Une culture d’entreprise, un environnement pour que chacun puisse mentorer.

Il faut garder en tête qu’il y a une part de connaissance qui n’est pas formelle, incontrôlée.

 

 

Perspectives

Thierry Flury,membre du CA de l’Observatoire

Thierry FLURY

Présentation de l’Observatoire :

Partager les meilleures pratiques dans un esprit :
· Non commercial
· Non technique (promotion d’une solution)
et apprendre ensemble de nos difficultés et de nos succès.

 

Calendrier

14 novembre : Deuxième atelier de l’Observatoire : RSE et Community management en pratique avec Julien Cotte, HR Community Manager Alcatel Lucent.

le 3 novembre : 6ème Rencontre de l’Observatoire : la place du management, et la façon dont les organisations vont gérer le 2.0 (le management à l’épreuve des RSE). –> Accueil par la Société Générale, à la Défense