Manager et IA, quelle cohabitation? Cécile Dejoux – professeur à l’ESCP-Europe et au Cnam

Nathalie Brousset, Administratrice de l’Observatoire, a accueilli sur scène Cécile Dejoux, star mondiale des cours en ligne avec ses MOOC (Massive Open Online Course) à succès sur le management, professeur à l’ESCP-Europe et au Cnam. Elle a lancé le 1er MOOC autour du manager « du manager au leader » avec plus de 200 000 participants dans plus de 148 pays et une deuxième saison est en cours. En tant qu’experte de la gestion des talents et du digital learning, cette interview a permis de décrypter le futur marché de la formation professionnelle.

Notre invitée a commencé par un constat général, aujourd’hui chaque entreprise dispose d’un rythme de formation qui lui est propre. En effet, les pratiques vont différer en fonction des secteurs d’activité, de la taille de l’entreprise, et/ou de la stratégie. Cécile Dejoux a également partagé ses perceptions sur les grandes tendances de la formation professionnelle en s’appuyant sur des observations, et des thèses de la chaire « le learning lab ».

Pour notre invitée, la formation a connu 3 évolutions majeures à l’ère du numérique:

– La digitalisation du contenu : le passage des formations à distance aux formations numériques a permis aux entreprises de créer de nouvelles façons de se former en ouvrant leur LMS ou système de formation vers l’extérieur avec des MOOC.

– Un écosystème de « Blended Learning » : cet écosystème permet de retrouver à la fois des formations en distanciel et en présentiel. C’est une nouvelle façon de réinventer le présentiel pour en faire un présentiel intelligent, complémentaire et différent.

– L’émergence des « écosystèmes d’apprenance » : l’idée est de créer des écosystèmes de « Blended Learning » dans lesquels on travaille avec d’autres entreprises pour tester de nouveaux sujets.

Face à ces évolutions, plusieurs points de vigilance sont à prendre en considération notamment pour l’apprenant. Actuellement dans les entreprises, nous vivons une période de massification de production de contenu. Les collaborateurs ont envie de tout faire mais ils n’ont pas le temps car il y a trop de contenu ! L’autre problème, c’est le temps de l’apprentissage qui est différent du temps de l’écoute. Apprendre, c’est réutiliser ce que l’on a appris dans un autre contexte (dans les 3 jours ou dans les 3 mois qui suivent la formation) mais c’est un effort très personnel et dense de réappropriation. Aujourd’hui, ce qui parait essentiel dans le entreprises c’est de donner aux collaborateurs le temps de réutiliser ce qu’ils ont appris.

Cécile Dejoux révèle également les principaux points d’attention pour les responsables de la formation :

L’ancrage mémoriel : il est nécessaire de s’interroger au préalable sur ce temps d’apprentissage, la façon dont les collaborateurs vont réutiliser ce qu’ils ont appris, comment l’évaluer…

L’Intelligence Artificielle (IA) : L’IA implique des changements dans les business, les produits, les solutions, et les métiers. Il faut donc expliquer ce qu’est l’IA, comment l’entreprise l’intègre dans sa stratégie et comment la mettre à porter de tous. Le vrai sujet ici, c’est de réussir à acculturer les collaborateurs à cette disruption et de donner la possibilité aux collaborateurs de réinventer leurs métiers.

Si en France les MOOC ont connu un essor considérable depuis leur émergence, en pratique il existe des clés pour réussir un MOOC et pour prendre le virage de la formation digitale en entreprise:

  • Réaliser un MOOC ce n’est surtout pas dispenser un savoir existant mais c’est plutôt un levier de création de connaissance, un véhicule pour rendre compte de ce qui se passe dans les entreprises et dans le monde sur l’évolution managériale. Pour Cécile Dejoux, le MOOC implique aussi la nécessité d’aller « picorer la connaissance, la partager avec les communautés pour en tirer le meilleur profit ».
  • Réaliser un MOOC, c’est aussi expérimenter une nouvelle façon de former et de créer de la connaissance différemment. Cela peut se traduire par la participation de start-ups, qui vont apporter de nouvelles expériences pour se former.
  • A titre d’exemple lors de la création du MOOC sur « l’IA pour les managers », qui explique au travers d’études de cas comment l’IA transforme les entreprises en France, aux États Unis et en Chine, une start-up a mis en place le 1er chatbot de learning.

Finalement, le MOOC ce n’est plus seulement un format vidéo, mais cela peut aussi se traduire par d’autres formats. Avec le chatbot qui délivre du contenu en fonction des questions, c’est l’occasion de faire du forum interactif en temps réel, c’est aussi une nouvelle façon de communiquer, et de créer du rich média pour plus d’interaction.

En outre, si on veut que demain les personnes puissent évoluer sur de nouveaux métiers de l’IA, il faut au préalable leurs permettre d’apprendre à travailler en transversalité et leurs donner la capacité de développer de nouvelles compétences : la collaboration et l’intelligence collective, nouvelle responsabilité managériale.

En conclusion de son intervention, Cécile Dejoux est revenue sur la création de son MOOC, dans lequel elle est allée interviewer des start-ups et des entreprises sur la façon de travailler avec des hommes et demain des machines, pour créer de l’intelligence collective. Cette intelligence collective permettra à l’homme de créer de la performance mais surtout de rester maitre de la machine. Et demain, pour continuer à être au cœur de la formation, Cécile Dejoux lance, avec « le learning lab », la 1ère chaine YouTube pour continuer à apprendre tous les jeudis à travers le témoignage de dirigeants sur l’impact du numérique et qui s’appelle les « jeudis de Cécile ».