Le défi de la transformation digitale et le rapport au temps, voilà un enjeu lourd et d’actualité pour beaucoup d’entreprises. A l’occasion de cette 21ème rencontre, Sophie Delmas, administratrice de l’Observatoire, s’est intéressée à la transformation digitale de la Banque de France, une institution de plus de 200 ans et qui a été fondée par Bonaparte en 1800. Comment la Banque de France fait-elle sa mue digitale et comment cela s’inscrit-il dans le temps ? Pour parler de cet enjeu RH, elle a eu le plaisir d’interviewer Hervé Gonsard, Directeur général des Ressources Humaines à la Banque de France.
Hervé Gonsard a commencé par rappeler le rôle de la Banque de France, composante de l’Eurosystème et que la création de la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas fondamentalement remise en cause. En effet, la Banque de France est une institution plus que bicentenaire mais c’est aussi une entreprise qui se réforme et se ré- invente. Elle a, en fait, une nature hybride : c’est à la fois une institution de la République, qui rend des services aux particuliers, aux entreprises, au système financier, tout en constituant une composante de l’Eurosystème associée à la définition de la politique monétaire de la zone euro dont elle assure la mise en œuvre en France. Elle a, comme le dit le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, « la tête en Europe et les pieds dans les territoires français ».
Les missions de la Banque de France
Les trois grandes missions de la Banque de France se résument par une formule mémotechnique, celle des « 3S »:
– Stabilité monétaire : aujourd’hui, c’est le Conseil des Gouverneurs de la BCE qui prend les décisions de politique monétaire mais c’est bien la Banque de France qui les met en œuvre dans notre pays. Si, une banque française a besoin de liquidités, elle ne va pas les chercher directement à la BCE mais à la Banque de France. Et par ailleurs, la Banque de France continue également de fabriquer et d’imprimer des billets en euros pour le compte de l’Eurosystème.
– Stabilité financière : avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui lui est adossée, la Banque de France assure le contrôle des banques et des assurances. Elle veille aussi à la stabilité globale des systèmes financiers français et européen, en participant notamment au Comité de Bâle, qui fonctionne sous l’égide de la Banque des Règlements Internationaux.
– Services à l’économie : services aux banques, par la normalisation et la gestion des systèmes de règlement, services à l’État (banquier du Trésor), services aux entreprises (réalisation de diagnostics financiers et cotation des entreprises), services aux particuliers (secrétariat des commissions de surendettement, notamment).
Transformation digitale et gestion du temps
Même si la Banque de France ne connaît pas de pressions commerciales, elle n’est pas hors du temps puisqu’elle a des partenaires comme les banques, les compagnies d’assurances, l’État, les particuliers, les entreprises, qui évoluent avec la révolution digitale. La Banque de France ne peut pas ne pas accompagner le mouvement, elle doit même le précéder, autant que possible. Hervé Gonsard est également revenu sur la nécessité pour la Banque de France de continuer à offrir un service public de haute qualité, qui est un élément de compétitivité, et d’être dans cette optique un leader de la révolution digitale pour maintenir son magistère vis-à-vis de ses partenaires, et en même temps continuer à donner du sens aux activités de ses agents.
En tant que DRH, la formation et le développement des compétences constituent une composante importante de la politique de ressources humaines, qui s’inscrit dans le temps long. C’est aussi un véritable levier de transformation pour rendre la Banque plus performante, plus innovante et plus agile. Face aux évolutions digitales des marchés financiers, les objectifs essentiels de notre invité est de veiller à ce que les compétences des collaborateurs correspondent aux besoins des métiers de la Banque et à ce que cette dernière demeure attractive auprès des étudiants, futurs collaborateurs.
La Banque de France entend rester attractive pour les femmes et les hommes qui y travaillent, et favoriser le développement de leurs qualifications et le maintien de leur employabilité avec notamment la création de l’Université́ Banque de France. Hervé Gonsard a insisté sur la création de deux écoles de cette université d’entreprise, celle du Digital et celle du Management, pour accompagner les salariés mais aussi les managers tout au long de cette révolution digitale.
A court terme, d’autres projets ont été mis en place pour accompagner la transformation digitale de cette institution :
– Il y a 4 ans, la Banque de France a mis en place un réseau social d’entreprise (Agora), qui compte 9500 membres sur 12 000 agents, avec une connexion régulière d’au moins 3000 membres. La nouvelle activité d’éducation financière du public, récemment apparue et qui a pour objectif de donner à tous les publics les clés de compréhension des débats économiques a pleinement tiré parti du réseau, car c’est dans l’une de ses communautés que se sont retrouvés les formateurs pour partager leurs pratiques et leurs supports d’intervention.
– En juin 2017, elle a également ouvert le « Lab », son Laboratoire d’innovation. Le « Lab » est un espace de rencontre ouvert et de travail collaboratif, il associe la Banque de France à différents porteurs de projets innovants – start-ups et Fintechs, acteurs institutionnels, grandes écoles et université – en vue d’expérimenter de nouveaux concepts et des technologies novatrices, en lien avec les activités de l’Institution. Le « Lab » est aussi un lieu d’anticipation pour préparer la Banque à l’évolution de ses métiers. Conçu comme un accélérateur d’innovations, le Lab a pour objectif d’accompagner la Banque de France dans sa transformation digitale, mais aussi de tester et développer des solutions qui s’appuient sur des technologies innovantes, telles que la blockchain (la Banque de France est la première banque centrale de l’Eurosystème à l’avoir expérimentée) et l’intelligence artificielle.
– La Banque de France offre un accès gratuit aux données statistiques. Elle souhaite développer et mieux partager l’exploitation des nombreuses données (plus de 400 millions de séries statistiques) qu’elle collecte et analyse dans le cadre de ses activités. Elle les ouvre plus largement aux utilisateurs externes, via l’Open Data Room, destinée notamment aux chercheurs.
Pour Hervé Gonsard, il est important « que la Banque de France évolue mais qu’elle ne perde pas son âme. » Il faut donc veiller à ce qu’elle reste en phase avec ses partenaires tout en gardant son attachement aux valeurs humaines et citoyennes qui sont les siennes depuis très longtemps.