Interview de Jean-Claude LE GRAND, Journée des droits de la femme, « les 364 autres jours, on fait quoi? »

 

Jean-Claude LE GRAND, Directeur du Développement International des Ressources Humaines et Directeur de la Diversité Corporate L'OREAL

Jean-Claude LE GRAND, Directeur du Développement International des Ressources Humaines et Directeur de la Diversité Corporate L'OREAL

 

 

Interview  de
Jean-Claude LE GRAND,
Directeur du Développement International des Ressources Humaines et Directeur de la Diversité Corporate de L’OREAL

Françoise Giroud, journaliste et femme politique disait “La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.” Pensez-vous que l’on s’en approche ?

Je crois que l’on s’approche plutôt du jour où l’on sera capable de désigner des femmes compétentes et des hommes compétents pour diriger l’entreprise…Cette phrase de Françoise Giroud, que l’on entend souvent, peut faire sourire et donner à réfléchir, mais finalement est ce que l’on ne nomme pas d’abord des femmes ou des hommes parce qu’ils sont légitimes et compétents ? Et ce, qu’ils soient étrangers, souffrant d’un handicap, seniors ou d’une autre minorité…

Pour tendre vers l’égalité entre les femmes et les hommes en entreprise pensez- vous qu’il faille :
1. être patient : ça va venir 
2. être pédagogue : sensibiliser encore et encore 
3. être militant : déclarer la guerre pour cette cause
Aucun des trois à mon avis… L’époque n’est plus à la patience : pourquoi devoir attendre pourquoi devoir tolérer… sous prétexte qu’on ne va pas pouvoir régler tout, tout de suite ?…En quoi se justifierait encore aujourd’hui, par exemple, l’inégalité salariale ? On ne peut pas se permettre d’attendre ! Etre pédagogue, tout le monde l’a déjà beaucoup été et on n’est pas non plus dans le temps du militantisme… Bien au contraire, nous devons nous inscrire dans le temps de l’action, du bilan et de la justification ! Que chacun affiche ses indicateurs et justifie son bilan ! Je pense que, chez L’Oréal, nous arriverons très vite à la parité au sein de nos comités de direction qui comptent déjà 39% de femmes. Nous avons d’ailleurs déjà atteint la parité dans les domaines du marketing… Il faut que demain nous l’atteignions également dans les autres domaines tels que les Opérations, la Recherche….

Selon vous quel est le stéréotype le plus répandu sur les femmes dans l’entreprise ?
Que les femmes sont différentes alors que chaque être humain est en soi différent. Il y a une part de féminin et de masculin en chacun de nous. On évoque fréquemment la finesse, l’intuition, l’émotion chez les femmes, le courage, la combativité chez les hommes… alors même que ces qualités sont intrinsèques et communes à tous, hommes ou femmes….

Et sur les hommes ?
Je ferais la même réponse…

Que recommanderiez-vous comme action pour la journée du 8 mars dans votre entreprise ?
Que les entreprises prennent de vrais engagements, qu’elles expriment concrètement ce qu’elles s’engagent à faire en partant d’un état des lieux. Pour L’Oréal, comme pour les Etats Généraux de la Femme initiés par le magazine « Elle », l’idée est simple : il faut se fixer des objectifs, mesurer et justifier. Ainsi, chez L’Oréal, à ce jour, sur les 5 Divisions Opérationnelles que compte le Groupe, 3 sont dirigées par des femmes. Nous nous engageons à préparer et accompagner aussi les parcours de nos futurs leaders. Prenons des risques, arrêtons de dire que ce n’est pas possible ! Même si cela peut parfois entraîner de nouvelles problématiques, il suffit alors d’être créatif ! Il y a 15 ans, pour les sujets liés à la mobilité par exemple, les questions de la double carrière ne se posaient pas…

Et les 364 jours restants ?
Que l’entreprise soit finalement le reflet de la société. Je représente moi-même la « majorité » (je suis un homme blanc, français….) et je me sens une responsabilité à tout mettre en œuvre pour résoudre les problèmes des minorités. Ce n’est pas aux minorités de régler les problèmes des minorités… mais bien à la majorité de recréer les grands équilibres : la place des femmes, des personnes handicapées, des étrangers, des seniors … Chez L’Oréal, nous avons décidé de plus de 150 actions concrètes, au niveau mondial, en faveur des diversités et nous suivons leurs évolutions, année après année.

Que faut-il éviter à tout prix selon vous ?
Justement éviter les stéréotypes, l’engagement de circonstance, les propos sexistes ou machistes… Il y a 3 ans l’étude Goodwill a démontré que la diversité bien gérée apportait une vraie valeur ajoutée à l’entreprise et qu’il existe une corrélation entre diversité et performance. Plus personne ne doit en douter !

Cristina Lunghi, Présidente Fondatrice d’Arborus disait : « L’égalité ne se décrète pas, elle s’organise ». Que vous inspire cette Phrase ?
Cristina Lunghi a raison. A ce titre, L’Oréal est l’une des premières entreprises à s’être engagée aux côtés d’Arborus et nous sommes fiers aujourd’hui d’être reconnus dans le monde entier pour notre engagement en faveur de la parité et l’égalité professionnelle.

Comment les réseaux Sociaux numériques d’entreprise peuvent-ils soutenir la cause de l’égalité professionnelle ?
Les réseaux sociaux numériques d’entreprise permettent d’accélérer la cause de l’égalité professionnelle, en renforçant les réseaux déjà existants. Le digital vient en support. L’Oréal est une entreprise de réseau et c’est un formidable « soubassement » au réseau social numérique d’entreprise. Il ne peut y avoir de support du digital sans fondations humaines.