Renouveau du syndicalisme

Au cours des 20 dernières années, pratiquement tous les syndicats d’Europe ont connu une importante baisse de leurs effectifs. D’autres indicateurs que le nombre d’adhérents montrent un affaiblissement des rôles et positions des syndicats sur les plans, économique, politique et social. Cette perte d’influence peut en partie s’expliquer par la conjoncture économique mais aussi par la diminution du nombre de salariés couverts par la négociation collective ainsi qu’une perte de l’alignement syndicats / Partis politique de gauche.

Vincent BERTHELOT - RATP

Vincent BERTHELOT, Chargé d’étude en RH 2.0 et en relations sociales – RATP

On reprendra ici les différentes analyses sur la fin du salariat, la disparition progressive des contrats en CDI au profit de ceux en CDD ou même des contrats avec des indépendants ou des auto-entrepreneurs.[1]

A ce titre l’exemple de TCO, syndicat suédois, est tout à fait intéressant car ils ont mis un plan d’action pour faire face à l’hémorragie de ses adhérents et réussi à inverser cette courbe.

TCO est le second syndicat suédois avec près de 1,3M d’adhérents.

4,3 millions de personnes occupent un travail salarié en Suède, 88 % des travailleurs sont affiliés à un syndicat.

Le syndicat avait accusé une baisse de près de 20% de ses adhérents fin 2008 ce qui correspondait à la fin de l’ancien modèle suédois très protecteur et avantageux pour les salariés en raison d’une forte montée du chômage, d’une baisse des allocations et de la fin de nombreux avantages accordés par l’employeur.

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C’est à partir de 2010 que TCO va commencer à travailler sur son renouveau. Ils se sont basés sur les attentes des membres mais aussi des citoyens suédois envers un syndicat afin de trouver des idées pouvant attirer de nouveaux membres.

La campagne visait également les jeunes travailleurs dans un objectif de rajeunissement et renouvellement des troupes.

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Des boites à suggestion de la taille d’un camion et en couleur ont été mises en place dans certaines villes et ont permis de récolter près de 1800 suggestions dont beaucoup de jeunes, cible privilégiée du syndicat pour cette action de communication.

Dans ces nouvelles mesures on retrouve justement une meilleure prise en charge des salariés hors CDI avec des contrats précaires ou à durée limitée. Des idées sur le fonctionnement en interne du syndicat avec des échanges entre adhérents pour améliorer leur connaissance des avantages offerts par les entreprises et œuvrer vers de nouveaux accords transversaux. Cette idée de dimension participative, collaborative rejoint celle de partage des Best Practice d’actions pour les syndicats au travers de plateforme web.

70% des répondants attendaient du syndicat une aide, un appui en cas de problème, 30% attendaient que celui-ci agisse pour améliorer les conditions de travail. On retrouve dans ces pourcentages la forte attente des adhérents en terme de services personnels et non pas seulement de capacité à porter des revendications collectives.

Ces mesures ont été suivies de campagne de communication là encore très orienté vers les jeunes.

Avec une première campagne qui maniait l’humour et présentait les délégués syndicaux comme des personnes ordinaires investis de super pouvoirs. Cette campagne à donné lieu à des affiches ainsi que des vidéos.

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Puis une seconde campagne plus large et internationale à partir du slogan « Comme un suédois » a été lancée afin de mettre en avant les bienfaits du dialogue social dans ce pays et son impact sur le mode de vie suédois.

Ce nouveau modèle est basée sur la recherche ,de rapport gagnant/gagnant, des avantages pour les salariés en termes de qualité de vie avec des mesures pour la famille, le bien-être mais aussi des plans pour la retraite…

Le syndicat se pose clairement comme partenaire du business avec le terme de « business like a swedish » avec l’idée que les bénéfices de l’entreprise sont redistribués pour le bien être des salariés sous forme d’accord collectif. Une position de syndicat contractuel orienté sur la réussite économique de l’entreprise avec une logique de rendre performante et fortement rentable l’entreprise pour avoir du grain à moudre.

Cette philosophie d’un syndicalisme réformiste  « Pour négocier il faut qu’il y ait du grain à moudre », chère à André Bergeron avec  Sa conviction que les droits des travailleurs ne peuvent progresser que par le compromis et la négociation est appliquée par TCO bien au-delà de FO, la CFDT ou de la CFE-CGC en France

TCO a réussi son pari et retrouver le même nombre d’adhérents que dans les années 2000 avec ce positionnement qui répond aux attentes des plus jeunes, dénué de toute orientation politique et focalisé sur des résultats concrets pour chaque salarié.

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Le renouveau du syndicat en Italie est compliqué selon ses représentants du fait de l’effet désastreux de l’Europe, des médias sur l’image des syndicats vu comme dépassé et leur perte de représentativité.

Là où la Suède s’interroge sur la responsabilité du syndicat, sur sa perte d’influence, l’Italie rejette celle-ci sur le contexte, l’évolution politique et économique avec une perte d’influence jusqu’à ces dernières années des partis politiques de gauche et une montée en puissance de la mondialisation.

Les effets sur les syndicats sont une perte des ressources par désaffiliation de nombreuses entreprises et perte parfois de plus de 50% de membres qui les amène à chercher des pistes de recrutement de nouveaux adhérents.

En Italie les accords de la négociation sociale sont au niveau territorial, ce qui accroît l’attractivité des territoires mais pour faire face à la crise, le gouvernement indique les objectifs et les parties sociales ont un rôle limité.

Celles-ci vont parfois vers un syndicalisme d’organisation qui propose des services professionnels aux salariés mais ont le désavantage de couper le syndicat de la représentation de sa base en devant fonctionner avec des professionnels qui ne sont plus sur le terrain au contact des travailleurs. Des actions ont été lancées vers les les femmes, les travailleurs avec un statut d’emploi précaire de plus en plus nombreux, ainsi que les travailleurs étrangers pour une meilleure représentation et défense.

Le renouveau du syndicalisme passe à la fois par une dimension intégrative et une autre dimension assurant la diversité des profils avec une vision claire sur les opportunités qu’offre la solidarité au sein de ces mouvements. Les objectifs visés par les syndicats doivent être communiqués avec clarté et viralité d’où l’importance désormais de leurs responsables communication.

Les innovations permettant ce renouveau restent rares car les syndicats sont structurés, hiérarchiques avec une inertie organisationnelle ainsi que des enjeux de pouvoir forts en internes. Chaque changement peut favoriser certains responsables et en affaiblir d’autres alors que tous sont en recherche de pouvoir. La solidarité affichée ne fait pas cesser les jeux d’acteurs en interne de ces organisations.

Le renouveau des syndicats passe aussi par le web et la transformation digitale des syndicats va suivre celle des entreprises. Du support de communication attractif et viral aux actions de co-construction d’actions par des plateformes collaboratives les syndicats repensent leur stratégie à l’aune de ces nouveaux usages et outils.

Dans ce panorama l’utilisation de la vidéo devient un élément central comme le montre l’exemple de TCO mais aussi plus récemment et en France celui de Air France avec des vidéos témoignages reprises par les grands medias.

La baisse de représentativité ne peut être compensée par l’augmentation de la visibilité mais peut aider les syndicats à éviter une trop grande perte d’influence en attendant de savoir si le pari du renouveau sera payant.

 

Sources 

Atelier sur le renouveau du syndicalisme au 13 ème congrès du CES

Syndicalisme européen de la crise au renouveau ? Rapport 133 European Trade Union Institute

Présentation TCO : Trade Union Renewal & Organising

 

[1] http://www.alterecoplus.fr/social/philippe-pochet/les-syndicats-europeens-sont-ils-vraiment-en-crise-201504091751-00001157.html