La clôture de la 16ème rencontre organisée par l’Observatoire des RSE sur le thème « Travail et Digital » a été marquée par l’intervention d’un grand témoin. Cette année, c’est Ludovic Guilcher, DRH Adjoint d’Orange, qui nous a partagé ses convictions et ses intuitions en qualité d’artisan majeur de la transformation numérique du Groupe.
Il a commencé par quelques mots sur le rapport de la commission Mettling auquel il a eu le bonheur de participer. Dans l’idée d’en faire un exercice d’ouverture et d’interrogation pour tous, monsieur Mettling a tenu à associer les organisations syndicales à cette commission pour essayer de trouver un rapport qui soit le plus proche possible d’un terrain commun.
L. Guilcher présentera quelques unes des grandes idées de ce rapport :
1) La question de la formation est absolument clé, en commençant pas les membres du Comex. En effet, le bouleversement actuel nécessite une formation très importante hors les murs, hors le poste de travail, pour atteindre la mise à niveau de tous. L. Guilcher indique que cette formation doit à la fois nous permettre de comprendre le hard, en maîtrisant des outils spécifiques, et le soft pour adapter nos métiers à de nouveaux modes de fonctionnement. C’est sans doute ce deuxième enjeu qui sera le plus compliqué et le plus long à achever et qui reposera en grande partie sur le management de proximité. On observe ainsi que la formation doit s’inscrire dans deux temporalités : elle doit être à la fois ponctuelle et continue.
Sur ce sujet, le rôle du management de proximité est essentiel. Son rôle doit être réinventé avec les déploiements de RSE. La mise en place réussie d’un RSE ne peut se faire sans le management : elle doit se faire de façon collective pour que l’on se forme ensemble à l’utilisation de nouveaux outils de travail.
D’une manière plus générale, du moins c’est ainsi qu’elle est perçue chez Orange, la formation au numérique est une formation socle : il est impératif que tout le monde possède une base de connaissances commune pour assurer l’employabilité de chaque collaborateur. Cela relève de la responsabilité de l’employeur. Cependant, la question des dispositifs de formation doit être abordée en même temps que la question des équipements : « on n’équipe pas sans former et on ne forme pas sans équiper ».
2) Dans le rapport est également abordé le droit et le devoir à la déconnexion. Les notions de « droit » et de « devoir » renvoient à une double responsabilité : aussi bien celle de l’entreprise que celle du salarié. En effet, la capacité d’une entreprise à maîtriser cette connexion est déterminante dans le succès de la transformation digitale. Il est du devoir de l’employeur de mettre en place la prévention nécessaire quant au danger d’hyper-connectivité ou multi-connectivité. Toutefois, il relève aussi de la responsabilité du salarié d’agir et de se former au risque de multi-connexion.
Le rapport évoque également les conditions à respecter pour garantir le bon fonctionnement du travail à distance : outre les questions de logistique et d’autonomie des salariés, nous devons nous interroger sur le devenir du lien social et du collectif dans un mode de travail qui favorise l’isolement. Pour être positif, le travail à distance doit donc être encadré.
3) Le 3ème volet concerne à la fois le droit social et l’économie. Il s’agit de la question du multi-salariat ou multi-activité. En effet, une part de la classe des 18-25 ans, représentant aujourd’hui 25% des chômeurs, est plus attirée par l’indépendance. Or, pour l’entreprise cela représente aussi bien un défi de gestion qu’un défi de protection sociale. « Et pourquoi sommes-nous obligés de répondre à cette demande ?», s’interroge L. Guilcher. Tout simplement, parce que les candidats qui mettent l’entreprise à l’épreuve sont les plus prisés sur le marché du travail. Ainsi, indirectement, la capacité à répondre à cette nouvelle demande de relation employeur-employé contribuera à déterminer la valeur concurrentielle de l’entreprise.
4) Enfin le rapport parle brièvement de la question des analytics, qui n’est pas tant de savoir s’il faut y aller ou pas puisque « si nous n’y allons pas d’autres iront pour nous » et contourneront la structure même de l’entreprise. Pour anticiper l’uberisation de la fonction RH, notre intervenant souligne la nécessité de construire un cadre de fonctionnement sur les données personnelles des salariés de l’entreprise afin de leur rendre des services personnalisés. Par exemple, pousser des dispositifs de formation, une offre d’emploi pertinente ou proposer un tableau de bord adapté pour mieux maîtriser ses outils. Or, comment mettre en place ces services personnalisés dans un cadre de confiance et de transparence ? Selon L. Guilcher, il est indispensable que les organisations syndicales participent à la construction de ce nouveau cadre.
Finalement, l’enjeu est de faire en sorte que toutes ces questions soient traitées au sein de l’entreprise et non pas à l’extérieur, sans aucun contrôle du management et des partenaires sociaux.