Franck la pinta, administrateur de l’Observatoire, s’interroge et questionne ses deux invités sur le rapport entre la formation et le temps à travers trois axes :
– Les nouvelles technologies au service de la formation viennent-elles bousculer ce rapport au temps : « le Rapid-Learning, quelle promesse derrière cette notion ? De la rapidité dans la conception ? De la rapidité dans la consommation ? Peut-être aussi de la rapidité dans l’oubli ? »
– L’obsolescence de plus en plus rapide des compétences, elle était de 25 ans en 1980 et est aujourd’hui de 5 ans.
– Le temps disponible des collaborateurs pour se former, la formation arbitrée à côté des urgences, des priorités quotidiennes et opérationnelles.
Afin d’éclairer ce sujet, nous avons réuni, Stéphanie RICCI, Group Chief Learning Officer chez AXA et Nicolas ROLLAND, Head of Engie University à l’occasion de la 21èmeRencontre de l’Observatoire.
Pour Stéphanie Ricci, le constat est clair, les collaborateurs sont sur-sollicités et leur temps disponible est contraint : is disent ne pas avoir le temps de se former. Mais le temps n’est pas le véritable ennemi, du moins pas le seul. Derrière cela se cache une question de priorité. Cette priorité se doit d’être clairement affichée par l’organisation, et elle devrait être partagée entre une organisation et ses collaborateurs.
Si l’entreprise vise à développer les compétences de ses collaborateurs afin de les mettre en mesure de succès, pour préparer leur avenir, et les aider dans leur employabilité (interne ou externe), elle doit en faire un sujet de priorité. Une organisation doit permettre à l’ensemble de ses collaborateurs de prendre du temps pour se former régulièrement et cela ne se fait pas encore naturellement.
Aujourd’hui, la formation change radicalement, elle s’oriente de plus en plus sur une fonction qui doit créer une vision, qui doit la communiquer, impulser un changement, l’accompagner, le comprendre, tout en mobilisant l’ensemble de l’organisation, de l’entreprise. Il ne s’agit pas d’un sujet RH, c’est un sujet qui doit appartenir à tout le monde, aussi au plus haut niveau de l’entreprise.
En ce qui concerne les enjeux de la formation chez AXA, l’ambition n’est plus uniquement de mettre à disposition des cours mais de créer une culture au sein de l’organisation autour du « Learning », de bâtir un « learning mindset » ou une culture de « continuous Learning » ; à savoir la capacité d’apprendre continuellement. Chez AXA nous défendons l’idée de nourrir l’appétit d’apprendre en permanence, que chaque collaborateur possède de manière innée. L’idée est de batir un écosystème, culturel, managérial, technologique qui puisse permettre et favoriser d’une part la prise de conscience et d’autre part la nécessité d’apprendre continuellement.
Pour notre intervenante, en matière de formation, il existe différents niveaux d’attentes pour un collaborateur :
- Créer les opportunités pour apprendre « in the flow of work » et tout au long de la semaine de travail, et pour y répondre, il faut offrir entre autre des formats courts
- Créer les conditions de l’entreprise apprenante, passer du modèle « push » au modèle « pull », et « on demand »
- Parvenir à donner de la valeur à l’acte d’apprendre
D’ailleurs, une des actions phares de l’an dernier a été le lancement des « AXA Learning Games » qui ont duré cinq semaines. Il s’agit d’une série de challenges sur une application digitale dans laquelle nous avons recréé notre écosystème gamifié, avec des contenus d’intérêts et de profondeur à destination de l’ensemble de nos collaborateurs.
Le témoignage de Nicolas Rolland,Head of Engie University, insiste sur l’importance d’agir sur les temps courts et les temps longs en formation. La nécessité de l’ancrage et la capacité d’absorption des collaborateurs qui sont des dimensions à prendre en compte.
Par exemple, si on souhaite permettre aux collaborateurs de devenir des « data scientists » ou des techniciens de maintenance des éoliennes, pas sûr qu’ils pourront atteindre cet objectif sur les deux jours qu’on leur laisse de disponible.
La formation, le Learning et l’apprentissage demandent du temps. Lorsque l’on confronte ce temps au rythme des organisations et à l’accélération des rythmes du changement dans la plupart des organisations, nous devons être en mesure de s’adapter à ces rythmes et de proposer des modalités de formation différentes. Et le principal risque identifié par notre intervenant, c’est de vouloir tout apprendre sur un sujet alors que l’objectif, aujourd’hui, c’est de pouvoir proposer des contenus adaptés.
Ensuite, Nicolas Rolland a cité 4 enjeux clés pour les équipes de formation :
- Adapter le contenu aux changements que vivent les entreprises
- Diversifier les modalités d’apprentissage
- Personnaliser de l’offre de formation
- Créer la culture du Learning
Ces enjeux permettront de créer, de générer et de faire perdurer l’envie d’apprendre.
Concernant l’attractivité des candidats, Nicolas Rolland précise que la promesse de l’entreprise qui consiste à faire grandir les collaborateurs qui intègrent une entreprise est plutôt une tendance du marché. L’entreprise doit aujourd’hui entrer dans cette logique et être un vrai levier d’attractivité des candidats. Il faut continuer à organiser des formations en présentiel en campus éphémères, ce sont ces formats qui sont les plus valorisés même vis-à-vis des candidats externes car ils sont des moments de rencontre et d’apprentissage collaboratif.
Chez Engie, 51 % des formations sont des formations digitales contre 49% en présentiel. Pour autant, décentraliser la formation au plus près du terrain reste pour notre invité un véritable enjeu. C’est pourquoi, des campus éphémères « Ucamp » d’une semaine ont été créés. Pendant cette semaine les collaborateurs peuvent suivre plus de 20 programmes de formation en journée et à partir de 17h00 des « marketplaces », des sessions de Q&A avec les membres du Comex et des « escape games » sur la révolution énergétique.