Un éclairage de Maurice THEVENET, professeur des universités à l’Essec et délégué général de la Fnege, qui a clôturé la rencontre de valorisation des travaux 2019 du Club Digitalisation & Organisation de l’Anvie.
« Tout salaire mérite travail. » Une formule qui n’a rien du lapsus, et qui rappelle simplement que le travail doit produire, avoir un résultat, une utilité, une valeur qui fonde le salaire. Assez normalement toutes les pratiques concrètes de GRH visent à en trouver la cause magique : est-ce la motivation, le bien-être, l’engagement, l’autonomie ?… Comment faire pour que les RH contribuent à l’amélioration de la performance de l’entreprise ? C’est un travail difficile, car les RH sont confrontées à un problème de mesure, et cela n’a rien de nouveau.
De nouveaux modèles RH
Les individus sont de plus en plus divers, et chacun veut être reconnu en tant que tel… Comme tout a éclaté, les modèles de RH classiques se révèlent obsolètes. Et de nouveaux modèles de RH apparaissent :
- La performance dépend des organisations, des systèmes et des processus. Elle ne dépend pas des personnes.
- Le modèle de l’individualisation, où la performance dépend de certaines personnes uniquement : les fameux talents.
- Le troisième modèle est celui du fort engagement : le business ne peut fonctionner que si les collaborateurs sont engagés. Ce modèle dépend totalement des individus. La source de la performance, c’est l’engagement dans le projet collectif.
A noter par ailleurs que la question du risque irrigue désormais toutes les problématiques d’entreprise, y compris les RH : car l’humain peut aussi être source de risque…
Quant à la question des outils et des nouvelles technologies, il est important d’avoir en tête qu’ils sont indispensables et facilitent incontestablement le travail.
De la QVT à la QTT
Quant à la collaboration, il faut rappeler que collaborer, c’est travailler avec. On collabore avec des personnes que l’on n’a pas choisi – travailler avec l’autre ne va pas de soi, collaborer n’est donc pas simple. Collaborer, c’est une compétence individuelle et collective – elle n’a rien d’inné, elle s’apprend. Mais où apprend-on à travailler avec des personnes qui nous sont imposées ?…
Dans le même temps, nous sommes passés de l’amélioration de la qualité du travail à l’amélioration de la qualité de vie au travail, à la recherche d’une harmonie, d’un « bonheur au travail ». Et demain ? La qualité de vie au travail de demain sera probablement la « qualité du travail au travail » – la QTT va remplacer la QVT. Compte tenu des progrès de l’intelligence artificielle et de la robotisation, ne resteront aux humains que des activités très exigeantes nécessitant un très fort investissement personnel.
Dans une société bouleversée par les technologies, la pratique du travail, les modes de travail vont changer. Dans ce nouveau monde, l’individu occupera la première place. C’est à lui qu’il appartiendra d’acquérir de nouvelles compétences, de penser son rapport au travail et de trouver du sens dans son activité. Les entreprises, elles, devront veiller, face à cette individualisation croissante, à entretenir la dimension relationnelle aucun travail en commun n’est possible. Travailler, ce sera toujours travailler avec… Et pour que les collectifs fonctionnent efficacement, le rôle du management sera toujours aussi décisif.
Le Club Digitalisation & Organisation
Fondé en 2014 par l’Anvie avec Aurélie Dudézert (Université Paris-Saclay), Ziryeb Marouf (Orange) et Sophie Delmas (BNP Paribas), le club Digitalisation & Organisation est une communauté apprenante qui s’attache à comprendre les enjeux de la transformation digitale et ses impacts sur les entreprises, le travail et les hommes. Il se donne pour objectif de prendre du recul face à ce phénomène afin de construire ensemble des réponses.
Pour en savoir plus http://club-do.fr/