Redéfinir la place du dialogue social autour du management de la donnée par Alexis Masse, CFDT

Dans le cadre de la 18ème rencontre de l’Observatoire des Réseaux Sociaux d’Entreprise sur le thème « Analytics, Services personnalisés aux salariés et Éthique », Alexis Masse, secrétaire confédéral de la CFDT en charge du numérique s’est exprimé sur les enjeux éthiques et déontologiques liés à l’usage des données personnelles.

Pour ouvrir cet échange, notre intervenant rappelle l’importance de distinguer « le réel » du « souhaitable ». En effet, dans la réalité, les témoignages illustrant l’impuissance du salarié face au contrôle de ses données sont encore nombreux. Nous pouvons prendre l’exemple des licenciements qui résultent de la publication de contenus considérés « peu flatteurs » pour l’image de l’entreprise sur les réseaux sociaux.

Or, dans un système d’informations nous observons bien deux utilisateurs qui sont le client et le salarié. Selon A. Masse, dans la lignée du « souhaitable », le salarié devrait avoir le droit à une expérience valorisée, via la mise à disposition d’un espace d’expression dédié qui garantirait la légitimité de l’exploitation de ses données.

Dans les faits, pour l’instant, ces problématiques ont malheureusement fait l’objet de peu de négociations ou discussions. La construction d’un cadre qui inspire confiance aux représentants syndicaux et aux salariés, quant au traitement massif des données personnelles, semble encore aujourd’hui inexistant. En effet, la plupart de ces données sont traitées à l’insu des salariés.

L’absence d’un cadre officiel dédié à la gestion massive de ces informations remet donc en cause la « promesse du numérique ». C’est pourquoi, notre enjeu majeur consiste à redéfinir la place du dialogue social autour du management de la donnée. Ce terrain encore vierge suscite de multiples interrogations : à quelle structure ou entité appartiennent ces données ? Comment les traiter dans le cadre du Big Data ? Pour quelles finalités ? Quelles règles construire pour autoriser ou interdire le traitement des données ?

Néanmoins, une chose est sûre : le fondement de ce nouveau cadre dédié à la gestion des données sera la confiance. L’idée est que le salarié puisse accéder à ses données et les comprendre dans une relation d’échange avec un interlocuteur de confiance. Cette mission doit être prise en charge par les organisations syndicales qui, une fois formées à ces nouveaux enjeux, seront en mesure d’assurer le rôle de « tiers de confiance ».

En effet, explique A. Masse, les organisations syndicales sont un lieu neutre, voué à canaliser les nouvelles formes d’expression collective. Pour favoriser l’émancipation de l’utilisateur, elles doivent contribuer à façonner la gouvernance de ce nouveau bien commun. Selon notre intervenant, la pire des situations serait que la « technocratie numérique remplace le paternalisme d’autrefois ».

Finalement, à l’ère digitale, la confiance est d’autant plus fondamentale que la transparence est devenue inévitable : la multiplication des plateformes sociales a entraîné le foisonnement de nouveaux lieux d’expression pour les salariés. À présent, chacun est libre d’échanger sur des sujets longtemps placés sous silence, tels que le mal-être au travail, les perspectives économiques de l’entreprise ou la rémunération. Ainsi, quand on réfléchit à l’instauration d’un « tiers de confiance », il faut garder à l’esprit que la transparence existe déjà puisque nous sommes dans un monde digital.

Aujourd’hui, le rôle des organisations syndicales est donc de répondre à la problématique suivante : Comment créer un cadre idéal et sécurisant où le salarié pourra s’exprimer librement sans avoir peur de perdre son emploi ? Au-delà d’une réalité d’entreprise, cette interrogation renvoie à un enjeu sociétal. En conclusion, A. Masse dépeint le projet d’une nouvelle force syndicale qui, au travers des rapports de force, contribuera à forger une société plus apaisée.

Retrouvez l’intervention d’Alexis Masse en image !