16ème Rencontre : « Travail et Digital »

« Travail et Digital ». À eux seuls, ces deux mots ont permis de réunir le 20 janvier dernier près de 300 personnes issues d’une centaine d’entreprises différentes, à l’occasion de la 16ème rencontre de l’Observatoire des Réseaux Sociaux d’Entreprise.

Ziryeb Marouf : Ouverture de la 16ème Rencontre « Travail et Digital »

Ziryeb Marouf_16rencZiryeb Marouf, président de l’Observatoire des RSE, a ouvert cette demi-journée d’échange en esquissant les principaux enjeux liés à la digitalisation du travail.

Il a tout d’abord évoqué l’impact du digital sur les fondements du code du travail. Avoir pleinement conscience de la profondeur de cette mutation est essentiel, souligne-t-il, si l’on espère se poser les bonnes questions pour construire un cadre juridique qui continue à protéger les intérêts des salariés et de l’entreprise.

Plus précisément, si le numérique touche aux fondements du code du travail c’est parce qu’il s’immisce dans notre relation au temps, à l’espace et au rapport de subordination induit par un contrat de travail :

— Pour ce qui est de l’aspect temporel, la technologie nous permet d’être connectés en tout temps.
— D’un point de vue spatial, les nouvelles formes de travail que sont le télétravail, le travail à distance ou encore le nomadisme nous invitent à repenser le lieu de travail avec plus d’agilité.
— D’un point de vue interpersonnel, le numérique entraîne le besoin de mettre en place un management à distance et…le droit à l’émotion.

Par ailleurs, à l’ère du digital, c’est aussi notre culture d’entreprise qui est bousculée. En tant que salarié, on s’interroge non seulement sur notre rôle de partie prenante d’une communauté, mais également sur le sens de notre statut. Face à l’émergence de ces modèles d’emploi hyper agiles et à la grande diversification des modes de consommation, on se surprend aisément à imaginer le salariat évoluer dans quelques années vers un système fondé sur des sortes d’auto-entrepreneurs individuels, libres de créer et de choisir leurs propres missions. Z. Marouf ne pense toutefois pas que notre société y gagne vraiment…

Ne vous y méprenez pas, notre maître de cérémonie est un fervent défenseur du digital. Si son discours rappelle les risques liés à la diffusion du numérique dans la sphère professionnelle, ce n’est que pour mieux l’y accueillir et l’accompagner.

Ainsi, lorsqu’il nous demande « il n’y a-t-il dans cette transformation digitale que du bien ? », c’est pour nous inviter à réfléchir ensemble sur le nouveau modèle sociétal à construire. En effet, si l’on voit progressivement le travail envahir nos vies, ce n’est pas tant le fruit d’un management pressant que celui d’un usage désormais accessible depuis nos poches. Ainsi, la nature de ce changement n’est pas tant managériale que sociétale.

Parmi les autres écueils à anticiper, Z. Marouf parle d’une forme de « low-cost RH » vers lequel nous risquerions de dériver si l’on se reposait exclusivement sur les capacités de prédiction du Big Data.

Autre question à méditer : « Est-ce que ce modèle, dit d’ubérisation, ne détruit pas plus d’emplois qu’il n’en créé ? » Bien sûr, le numérique créera de nouveaux emplois. Cependant, entre-temps, il est légitime de se demander dans nos choix de consommer un service facile et pratique si nous sommes réellement conscients de l’impact de ces modèles.

Inévitablement, ces questions nous amènent au constat suivant : il est nécessaire de retrouver l’équilibre de peur que l’arrivée du digital ne compromette notre système de valeur et de protection sociale. Face à ce chantier, Z. Marouf propose un début de réponse en préconisant une stratégie qui devrait être :

structurée et intelligente : il faut que cette problématique soit consciente et responsable de la réalité et de la profondeur du chantier de transformation.
claire et explicite : il s’agira de rendre les raisons et la profondeur de cette transformation explicite auprès des collaborateurs pour que les enjeux soient compris de tous et que l’on soit en phase avec réalité du terrain.
source d’engagement : chacun doit y trouver son compte, le salarié comme l’entreprise.

Également, pour que les collaborateurs comprennent les enjeux et qu’ils s’épanouissent au travail, il est indispensable de favoriser le sens, de revoir nos modèles de management et donner la possibilité de continuer à se former tout au long de sa vie, notamment afin de garantir l’employabilité de chacun individuellement et collectivement. Il s’agit, indique Z. Marouf, de passer d’une logique de poste et de gestion de postes à une logique de gestion de compétences.

Quelques minutes avant la fin de son discours il aborde la question du droit et devoir à la déconnexion. Encore une fois, la responsabilité ne relève pas uniquement du management ou du processus : il s’agit d’une action que nous devons entreprendre collectivement et individuellement, un peu comme une hygiène de vie.

En guise de conclusion, le président de l’Observatoire a exprimé l’importance de réinventer un dialogue social. Il s’agit de parvenir à un modèle de co-construction qui soit, tant pour le management, l’entreprise et nos partenaires sociaux, beaucoup plus attractifs auprès des jeunes pour leur donner envie de s’engager dans le dialogue et dans le débat.


Jean-Luc Molins : Construire un nouveau dialogue social à l’heure de la transformation numérique

Jean-Luc_MolinsÀ l’occasion de la 16ème rencontre de l’Observatoire autour du thème « Travail et Digital », Jean-Luc Molins, Secrétaire National UGICT-CGT*, a participé à la table-ronde sur les nouvelles dynamiques du dialogue social animée par Vincent Berthelot, RATP.

À l’heure de la transformation numérique des entreprises, les organisations syndicales sont plus que jamais engagées à trouver la meilleure façon de construire cette mutation. Une chose est sûre, observe JL. Molins, « le numérique ne doit pas être un prétexte pour remettre en cause notre modèle de protection sociale ».

Dans cette mutation se pose également la question de la gouvernance. Pour réussir, cette gouvernance ne devra pas uniquement s’appuyer sur les entreprises et leurs sponsors en interne, mais devra aussi passer par la responsabilisation des autorités politiques.

Cependant, si le numérique entraîne des risques, JL. Molins souligne qu’il est aussi porteur d’opportunités. Le numérique offre la possibilité d’être sur un mode de travail collaboratif et, ce faisant, de construire un dialogue social intelligent. Notre objectif à présent est de mettre les sciences et techniques au service du mieux être social et mieux être au travail.

Dans ce mieux être au travail, JL. Molins évoque notamment le thème du « droit à la déconnexion » et insiste sur la nécessité de rééquilibrer la charge de travail en fonction du temps et des moyens à disposition : « si la charge de travail reste excessive, le droit à la déconnexion ne pourra être effectif ».

Finalement, la question qui reste en suspens est la suivante : « quel dialogue social veut-on construire ? » JL. Molins conclue par un début de réponse : continuer à défendre cette communauté de travail qu’est l’entreprise, non seulement pour sa propre viabilité, mais pour le bien-être de tous.

*Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens.

Jérôme CHEMIN : Vers un syndicalisme de service

jerome-cheminJérôme Chemin, Secrétaire National CFDT Cadres, a lui aussi participé à la table-ronde sur les nouvelles dynamiques du dialogue social animée par Vincent Berthelot, RATP.

Au cours de son intervention, J. Chemin a partagé son point de vue sur l’évolution du syndicalisme, contraint de se renouveler face aux nouvelles attentes des salariés : le changement d’organisation et des modes de travail soulève des questions auxquelles les salariés attendent des réponses innovantes de la part des syndicalistes.

De fait, le salarié ne souhaite plus uniquement être représenté ou défendu, mais accompagné tout au long de sa carrière. C’est ce qui contribue à l’émergence d’une nouvelle forme de syndicalisme : le « syndicalisme de service ».

Parmi les sujets au cœur des préoccupations des syndicats figure le droit et le devoir de déconnexion. J. Chemin explique que cette question est d’autant plus complexe à résoudre qu’il est difficile de définir l’organisation du travail en entreprise, de mesurer le temps de travail et surtout la charge de travail.

Pour conclure, ses derniers mots s’adressent à ses pairs syndicalistes : comment assurer la qualité de notre travail ? Se rendre davantage sur le terrain, construire un dialogue social sur la durée et savoir écouter sont quelques unes de ses préconisations.

Anne GUEGAN : BNP Paribas LS témoigne sur le DigiDiag

Anne-GueganLe DigiDiag est l’un des projets phares de l’Observatoire. Anne Guegan, Responsable conduite du changement & Développement RH chez BNP Paribas Leasing Solutions, nous a fait part de son expérience en tant qu’entreprise participante au projet DigiDiag de l’Obs.

Notre intervenante a commencé par dessiner le contexte général de la transformation digitale chez BNP Paribas Leasing Solutions en présentant leur approche stratégique, qui s’est opérée en plusieurs étapes : définir une road map avec un comité de pilotage sur les piliers sales et opérations, créer un think tank pour fédérer des collaborateurs de différents horizons intéressés par le « digital working » et donner des signaux visibles de l’ambition du programme via les équipements. En parallèle, multiplier les actions d’acculturation des collaborateurs.

Le DigiDiag a été diffusé en interne huit mois après le lancement de leur programme de transformation digitale. Anne Guegan explique ainsi comment cet outil a permis à l’entreprise d’évaluer la réussite de leur stratégie actuelle et d’identifier leurs marges de progression.

Ce qui est intéressant, observe-t-elle, est que les résultats obtenus aux questions du DigiDiag se sont avérés parfaitement cohérents avec les actions de BNP Paribas Leasing Solutions: les promesses du digital ayant remporté les plus faibles taux de conviction auprès des répondants sont celles qui n’avaient pas encore été abordées par le programme de digitalisation puisque planifiées sur 2016. Nous y retrouvons notamment l’apport du digital en termes de reconnaissance et valorisation professionnelles ou encore le lien entre digital et créativité.

En ce sens, le DigiDiag a permis à BNP Paribas Leasing Solutions de confirmer son plan d’action 2016.

Julie Minguez & Clotile Coron : Projet DigiDiag

J_minguez_C_coronPour compléter cette belle entrée en matière, les deux chefs de projet à l’origine du DigiDiag sont revenues sur les éléments de contexte et les caractéristiques de cet outil. Julie Minguez, Chef de projet digital à l’Observatoire, et Clotilde Coron, Chef de projet Big Data & RH chez Orange et à l’Observatoire.

Le nom « DigiDiag » vient de « Digital Diagnostic ». L’objectif premier était de construire un questionnaire simple et rapide à remplir (moins de 4 minutes), dont les résultats permettraient aux entreprises participantes d’avoir un réel diagnostic sur l’impact de leur programme de transformation digitale en interne et la perception qu’en ont les salariés.

Grâce à des sociotypes, nous avons permis aux entreprises participantes d’évaluer leur degré de maturité en termes de digitalisation, mais surtout d’orienter leurs actions de sensibilisation auprès des salariés (managers/non-managers) et d’affiner leur stratégie sur la base des résultats observés.

Jusqu’à présent, le DigiDiag a été lancé au sein d’une dizaine d’entreprises et a permis de révéler des tendances que J. Minguez et C. Coron ont rangé dans deux cas distincts :

1. Tendances au sein des entreprises qui viennent de lancer leur programme de transformation digitale en interne :
a. le digital est appréhendé au travers d’un prisme unique, celui du nomadisme, de la mobilité et de l’autonomie
b. Le prisme de la reconnaissance et la valorisation individuelles n’est pas encore considéré par les salariés répondants
c. le digital est surtout vu comme un outil et pas encore comme un usage, il n’est pas encore compris dans l’écosystème de l’entreprise
d. Les managers sont beaucoup plus sensibilisés que les non-managers (com° descendante)

2. Tendances au sein des entreprises dont le programme de transformation digital en interne est déjà bien ancré :
a. le digital n’est plus vu sous le prisme unique du nomadisme. Il n’est plus simplement un outil, l’entreprise pousse à la reconnaissance de l’individu par l’expression libre au travers notamment du lancement d’un RSE
b. meilleure diffusion de l’information à tous les niveaux de l’entreprise : bonne sensibilisation des managers et non-managers
c. sentiment de fierté des salariés  valorisation du programme de l’entreprise en interne comme en externe.

Pour ce qui est des prochaines étapes, nos intervenantes parlent de prolonger cette vague de diffusion du DigiDiag jusqu’au mois de juin dans le but de publier une étude officielle anonymisée sur les tendances générales observées, disponible gratuitement sur le site de l’Observatoire.

Peggy Louppe : SNCF témoigne sur sa participation au DigiDiag

peggylouppeTout comme BNP Paribas LS, la SNCF a lancé le DigiDiag pour mesurer la maturité de sa transformation digitale à travers la perception de leurs salariés. Peggy Louppe, Directrice de la transformation digitale interne au sein de SNCF, nous a partagé son expérience en tant que participante.

Peggy Louppe a commencé par brosser le portrait du groupe SNCF de 2016 en quelques chiffres : 260 000 salariés dans 120 pays qui, tous les jours, œuvrent pour 13,5 millions de voyageurs dans le monde et font circuler 15 000 trains chaque jour. Avec 31,4 milliards d’euros de CA, dont 33% à l’international, c’est l’un des 1ers groupes de transport de voyageurs et de de logistique au monde.

En matière de digital, SNCF est une entreprise qui a entamé sa transformation numérique il y a 15 ans avec son site voyages-scnf.com. Toutefois, si dans le domaine de la relation client les initiatives digitales se multiplient depuis longtemps, SNCF a décidé de globaliser le programme de transformation numérique à tous les métiers en 2015 : « tout digital pour tous » est le mot d’ordre.

Peggy Louppe explique que le DigiDiag a donc été lancé moins d’un an après le déploiement de la stratégie de digitalisation en interne et juste après la mise en place d’un programme plus spécifiquement dédié à la démocratisation des usages des outils digitaux.

À la question « Que vous a révélé ce sondage ? », Peggy Louppe nous a dit avoir été positivement surprise par les résultats : 75% des répondants, toutes strates de l’entreprise confondues, étaient bien au courant de la mise en place d’un programme de transformation digitale. Ce chiffre est un signe fort du fait que les initiatives orientées vers l’interne ont bien été perçues par l’ensemble des salariés.

Par ailleurs, indique notre intervenante, le DigiDiag a permis de mettre en lumière certaines caractéristiques de la culture d’entreprise de SNCF :

Un grand nombre de répondants est convaincu par les apports du digital en termes de travail à distance. C’est effectivement une promesse qui fait sens dans une entreprise où notamment une partie des employés appelés « roulants » constituent des équipes très dispersées. Dans cette dispersion, explique Peggy Louppe, le digital est ainsi perçu comme un moyen de renforcer le sentiment d’appartenance, notamment à travers la création d’une adresse mail pour tous les employés et le déploiement d’un RSE.

Un autre aspect qui a transparu est l’importance du compagnonnage : plus des 2/3 des répondants pensent que le digital va améliorer le travail en réseau, ce qui renvoie à l’habitude et l’envie de travailler avec ses pairs. Ce résultat est particulièrement en résonance avec la culture interne SNCF, où les cheminots attachent une importance forte à la transmission des savoir-faire et à la collaboration entre pairs. Elle traduit aussi l’enjeu du digital pour favoriser les relations transverses dans une entreprise où les organisations historiques et la diversité des métiers peuvent induire des fonctionnements en « silos ».

Dernier point, qui a fait partie des éléments de surprise bien que cohérent avec la culture d’entreprise : la sensibilisation des répondants au lien entre digital et diminution de l’empreinte carbone (ce qui correspond à la volonté de suppression de papier dans les process internes de l’entreprise).

En guise de conclusion, Peggy Louppe est revenue sur les marges de progression identifiées grâce au DigiDiag : si certains sujets sont désormais acquis, SNCF en est à un 1er stade de maturité qu’elle dépassera en sensibilisant ses salariés au reste des possibilités qu’offre le digital, notamment en matière d’innovation, d’accès à l’information ou encore de modes de travail et de relations différents, et la coopération inter-métiers notamment.

Frédéric Dohet : RTE témoigne sur sa participation au DigiDiag

F_DohetAux côtés de BNP Paribas LS et SNCF, RTE est venu témoigner sur sa participation au DigiDiag. Frédéric Dohet, Délégué Rhône Alpes et Auvergne chez RTE Réseau de Transport d’Électricité, est le porte-parole de ce retour d’expérience.

Comme son sigle l’indique, RTE est une entreprise très technique qui a pour cœur de métier le transport électricité. Elle est une composante industrielle forte constituée de 8500 salariés en France, dont la moitié travaille sur le terrain et l’autre moitié à l’état major régional.

F. Dohet nous explique qu’au moment de lancer le DigiDiag, RTE n’avait pas encore de stratégie de transformation digitale. En effet, malgré l’émergence de nombreux projets numériques dans différents compartiments de l’entreprise, il n’existait pas encore de démarche globale unifiée. S’agissant d’une entreprise de B2B, F. Dohet a par ailleurs précisé que leurs projets spontanés ne portent pas sur la digitalisation de la relation client, mais sur la digitalisation interne des salariés.

Le DigiDiag a ainsi servi d’état des lieux permettant de comprendre où en était l’entreprise en matière de digitalisation et d’où elle partirait pour réaliser sa transformation. Ce faisant, il a aussi contribué à confirmer les axes du plan d’action digital 2016 de RTE.

Parmi les constats les plus surprenants, F. Dohet évoque le nombre significatif de salariés qui pensait que RTE avait une stratégie de transformation digitale alors qu’elle n’avait pas encore été lancée. Ceci a permis de mesurer la satisfaction et la fierté des salariés, jusqu’alors insoupçonnées, quant aux initiatives digitales ayant spontanément vu le jour puisqu’ils sont allés jusqu’à les considérer comme le signe de la mise en place d’un programme de transformation numérique.

Une autre belle surprise, indique F. Dohet, concerne la posture du management. Alors qu’il était perçu comme réticent, le DigiDiag a révélé que le management était désireux de s’impliquer davantage. Parmi les leviers de réussite de la digitalisation interne, le sondage a également souligné l’importance d’embarquer toutes les strates de la population salariale pour ne pas creuser de fossés.

En guise de conclusion, notre intervenant est revenu sur la rapidité et la qualité du DigiDiag dont les questions simples, mais habiles, permettent d’arriver à des analyses fines.

Claude Monnier : Digital, travail et industrie musicale

c.monnierLa prise de parole de Claude Monnier, Directeur des Ressources Humaines chez Sony Music, a donné une nouvelle tonalité à la thématique « Travail et Digital ». Ce dernier est intervenu sur les enjeux spécifiques de la digitalisation dans le secteur de la musique.

Avant de décrire le panorama actuel de l’édition musicale, notre intervenant a commencé par poser une question à son auditoire : « Qui parmi vous pirate de la musique ? » La réponse prévisible à cette question a servi de toile pour peindre le constat d’une véritable catastrophe industrielle : en 10 ans, l’industrie de la musique a perdu 80% de sa valeur.

C’est en grande partie le piratage qui en est la cause. Le fait d’avoir gratuitement accès à de la culture, au sens large, et à de la musique, au sens particulier, a eu pour conséquence immédiate la disparition de nombreux postes dans la musique : contre 7 majors il y a dix ans, nous en comptons aujourd’hui seulement trois (Universal, Warner, Sony Music) et tandis que les emplois directs étaient au nombre de 8000 il y a dix ans, ils sont actuellement 1500.

De nos jours, malgré les 2 millions de vinyles vendus en 2015 (plus que sur les 9 années précédentes), la musique piratée représente 90% de la musique écoutée. C’est ainsi, observe C. Monnier, qu’un trou béant pèse sur le financement de cette économie musicale puisque les artistes ne peuvent monter sur scène si leurs productions ne leur rapportent de gains financiers.

Sony Music a répondu à cette destruction de la valeur par plusieurs plans de sauvegarde de l’emploi.

Afin de nous présenter de façon plus détaillée les impacts sociaux au sein de Sony Music, notre intervenant a commencé par expliquer que l’entreprise regroupe trois familles de personnes : artistes, intermittents et collaborateurs permanents. Cette dernière population a été impactée quantitativement par de la destruction d’emploi : on considère qu’1/3 de leurs postes va disparaître dans les 3 ans. Parallèlement à cette disparition, C. Monnier est néanmoins conscient que de nouveaux métiers vont apparaître dans l’industrie de la musique. Des métiers liés notamment au Big Data. En effet, entre le consommateur et l’artiste, la principale des relations lorsque l’on écoute, hormis celle sensorielle et émotionnelle, se fait par la data : qui écoute quoi, quand, comment ?

Face à ces changements se pose encore une fois la question de l’accompagnement. Au sein de Sony Music, les collaborateurs sont accompagnés en apprenant à désapprendre. Dans l’industrie musicale, C. Monnier nous dit avoir fait deux constats majeurs :

— La dimension affective et émotionnelle est très élevée, ce qui rend la gestion des relations humaines à la fois très complexe et passionnante.
— La moyenne d’âge est supérieure à 45 ans et l’ancienneté est en moyenne supérieure à 15 ans.

Ces constats annoncent la difficulté que les collaborateurs rencontrent pour réadapter leurs modes de travail qui, pendant plus de 20 ans, ont très bien fonctionné et sont restés inchangés.

Ainsi, pour anticiper le changement, les collaborateurs sont invités à désapprendre, c’est-à-dire à agir collectivement différemment dans un nouveau métier et avec un manager différent. Cela dit, pour désapprendre, indique le DRH de Sony Music, il est important que les employés soient placés hors les murs de l’entreprise pour ensuite reproduire dans leur environnement habituel ce qu’ils ont vu ailleurs, comme par exemple les savoir-être.

Cette méthodologie a été appliquée au sein de métiers différents sur la base du volontariat. Beaucoup d’échecs en ont résulté, mais plutôt que de les percevoir comme décourageants, l’entreprise s’en est servie comme ressort et les a surcommuniqués. L’effet produit a été celui de rassurer l’ensemble des collaborateurs, mais aussi de repenser l’échec comme une source d’apprentissage fondamentale. Sony Music est allé jusqu’à intégrer cette disposition d’esprit dans sa politique d’évaluation et de récompense managériale : au cours de leurs EI, les top managers doivent indiquer un échec annuel sur lequel il faut qu’il y ait reconnaissance et communication. Finalement, désapprendre peut se définir ainsi : c’est lorsque l’échec devient la structure centrale du bonus du top management.

Nous l’avons compris, l’industrie musicale est un domaine d’activité pas comme les autres, où la passion des salariés atteint des seuils inégalables. Or, si la motivation et l’implication sont des leviers facilitant incontestablement la transformation digitale, C. Monnier indique qu’ils peuvent aussi agir comme des freins à la faculté de désapprendre et réapprendre.

Par ailleurs, en tant que DRH, il est impossible de créer du lien avec ses collaborateurs dans un univers de passion si l’on reste dans une relation technique. Ainsi, si la RH espère embarquer l’ensemble des salariés dans la digitalisation de l’entreprise, elle doit changer ses codes pour basculer dans un dialogue collectif, à la fois émotionnel et sensoriel.

En guise de conclusion, C. Monnier a laissé son auditoire sur une touche musicale en partageant sa playlist du moment : Jain, révélation féminine aux Victoires de la Musique, Louane, Gaël Faure ainsi que le musicien électronique Super Poze rythment ses journées.

Aurélie Dudezert : Les transformations du métier d’enseignant-chercher liées au numérique

A.DudezertJean Daries, Directeur de l’Identité numérique d’Orange, a donné la parole à Aurélie Dudezert, Professeur des Universités en Sciences de Gestion à l’Institut d’Administration des Entreprises de Poitiers et Chercheur en Management des Systèmes d’Information, sur les transformations des pratiques de travail liées au numérique.

Avant de décrire l’impact de la transformation digitale sur le métier d’enseignant-chercheur, A. Dudezert revient sur la définition de cette profession et explique qu’elle recouvre trois types de responsabilités : le rôle d’enseignant, de chercheur et de gestionnaire des établissements d’enseignement supérieur et des communautés académiques. Tout enseignant-chercheur est évalué sur la base de ces 3 responsabilités dans lesquelles il s’investit plus ou moins en fonction de ses compétences, des besoins de son établissement d’affectation, de l’ancienneté ou encore du grade.

La transformation digitale, au sens de mise à disposition des technologies et pratiques collaboratives dans les organisations, aura ainsi un impact différent en fonction de la responsabilité concernée.

En premier lieu, notre intervenante est partie de son expérience en présentant les deux conséquences directes sur la pédagogie :

1) La première découle du changement du rapport des étudiants au savoir et de la multiplication des modes d’accès au contenu. Avec Wikipédia, Facebook, Twitter…, les étudiants ont un accès direct et personnel aux contenus : ils choisissent l’information qui leur est utile. Ils apprennent beaucoup entre eux, sur site ou à distance.
L’enseignant, observe A. Dudezert, doit alors se concentrer sur la nécessité de rendre compréhensible les contenus accédés, de les mettre en perspective, de veiller à la cohérence de l’assimilation des contenus. Progressivement, l’enseignant du supérieur passe de « maître », fournisseur du contenu, à « animateur » qui apprend à apprendre aux étudiants. Ceci induit un changement de posture chez l’enseignant mais aussi chez les étudiants.

2) Cela amène à la deuxième conséquence sur la pédagogie : les enseignants du supérieur doivent faire évoluer les étudiants d’un usage des outils digitaux pour des objectifs personnels à un usage professionnel. En effet, les étudiants ont appris à utiliser ces outils sans se préoccuper des conséquences organisationnelles comme la sécurité des données, la traçabilité de la décision, la responsabilité, le respect du droit, des déontologies.

Dans le cadre de la recherche académique, notre intervenante souligne que la transformation digitale pourrait s’avérer bénéfique en ce qu’elle a le potentiel d’améliorer le dialogue entre le monde de la recherche et de l’administration. En effet, structurellement, ces deux mondes se comprennent très mal alors qu’ils doivent travailler ensemble.

Pour la structure administrative, qui fonctionne selon le mode classique « command & control », les chercheurs sont « ingérables » parce qu’ils n’acceptent pas les contraintes de processus et ne sont jamais là (très souvent nomades). De leurs côtés, les chercheurs ne peuvent pas accepter les contraintes imposées par l’administration. Leur cadre temporel de travail n’a pas de claire délimitation. Ils gèrent à la fois une temporalité d’urgence et de très long terme. Ils fonctionnent sur des modes informels avec une formalité spécifique liée au savoir.

Dans les faits, dans les structures administratives bien gérées et à l’écoute des enseignants chercheurs, des évolutions ont eu lieu mais elles n’ont pas été accompagnées, ni structurées. La transformation s’est faite à marche forcée par les personnels administratifs, créant parfois des tensions ou des incompréhensions.

C’est pourquoi, si la transformation digitale peut apporter une meilleure compréhension entre ces deux mondes, A. Dudezert est convaincue que cela doit d’abord passer par l’accompagnement au changement.

La question qui suit coule de source : « Comment accompagner ce changement ? Quels freins et leviers ? » Sa réponse est toutefois moins évidente.

Dans un premier temps, observe A. Dudezert, on a considéré que les enseignants-chercheurs devaient s’adapter d’eux-mêmes tout comme le personnel administratif. Ce n’est que récemment que des actions ont commencé à être engagées.
– Au niveau national, la FNEGE lance un groupe de travail sur le numérique et le management qui devra notamment réfléchir aux évolutions des pratiques pédagogiques et à leur accompagnement.
– Au niveau local, on constate aussi une prise de conscience dans les établissements. Par exemple, à l’IAE de Poitiers, un vaste projet de transformation « Pratiques Digitales » a été lancé. Il touche à la fois aux évolutions des pratiques pédagogiques et aux évolutions des pratiques de travail. A. Dudezert pilote l’ensemble de ce projet depuis septembre avec le soutien fort de la Direction.

Bien sûr il y a des résistances et des oppositions, mais par une approche centrée sur le Test & Learn, sur l’écoute, l’accompagnement au quotidien, A. Dudezert affirme qu’il est possible d’arriver à une convergence dans la mobilisation des technologies et de soutenir plus efficacement certains processus de travail pour soulager le quotidien des personnels administratifs et des enseignants-chercheurs.

Philippe Canonne : Numérique et Territoires

BJ9A4592Le thème « Travail et Digital » a également accueilli l’apparition sur scène de Philippe Canonne, DRH de la Croix-Rouge française et Membre du Bureau National de l’ANDRH. Ce dernier nous a partagé ses pensées et interrogations sur les façons d’appréhender le bouleversement du monde du travail par le digital.

Ce même jour, observe P. Canonne, il y a deux endroits dans le monde où l’on parle de transformation digitale : à l’Observatoire des RSE et au Forum Mondial de Davos où ils disent que « nous vivons une 4ème révolution industrielle » au cours de laquelle 7000 métiers et 5 millions de postes vont disparaître. Ces chiffres qui nous interpellent renvoient aux enjeux de nos organisations.

Dans cet exercice, il y a cependant toujours un danger qui se trouve, selon notre intervenant, dans la distance. Plus précisément, dans la distance de ceux qui conçoivent les projets par rapport aux terrain. Ce danger est celui d’oublier de se projeter dans la vraie vie. Pourtant, les initiatives intéressantes qui sont nées de cette distance ne manquent pas : vitesse de diffusion de l’information, paye dématérialisée, recrutement par algorithme ou encore, à l’avenir, des entretiens d’embauche collaboratifs. Mais la question reste la suivante : qu’est-ce que cela représente pour l’entreprise ?

Canonne pense avant tout que ces projets ont pour vocation d’être structurants. Ce sont des mises en place par le haut puisque pour faire avancer la situation dans ce type de sujet, notamment quand la politique managériale de l’entreprise s’en trouve bouleversée, il n’y a d’autre solution efficace que de faire du top down. Ainsi, là où nos projets affichent des limites, souligne P. Canonne, c’est précisément parce qu’ils viennent du haut et qu’ils sont loin de la réalité du terrain.

Or, le terrain est essentiel au projet parce qu’il le structure et le conditionne. Ce faisant, il favorise aussi sa réussite. Et lorsqu’il parle de distance, P. Canonne précise qu’elle ne se trouve pas aujourd’hui à l’autre bout de la planète, mais à l’étage d’en-dessous.

La deuxième observation découle de la première : nos projets sont relatifs et leur relativité tient à la perception qu’en a le salarié qui vit la vraie vie.

« Que faire face à ces constats ? » : selon notre intervenant, cette interrogation renferme l’enjeu du moment. Bien que nous ayons un certain nombre de clés en main (changer le modèle du management, embarquer les salariés, faire du collectif), nous n’avons aucun mode d’emploi.

Toutefois, s’il n’a pas de réponse définitive, P. Canone a une conviction : il existe en local un énorme potentiel de créativité, beaucoup de capacités et de possibilités de faire. Ainsi, en même temps que nous imaginons des solutions nationales, il faut laisser la place à des initiatives qui émergeraient des territoires. D’ailleurs, la notion de territoire est connexe à celle d’entreprise ouverte : nous vivons une disparition des frontières de l’entreprise, cette entreprise s’ouvre vers son territoire.

Dans ce territoire se trouve les parties prenantes locales desquelles peuvent émerger des réponses qui serait différentes de celles des directions. Pas forcément antagoniques ou meilleures, simplement différentes. C’est ainsi que P. Canonne conclue : « J’ai la conviction que nous devons aller chercher des solutions ailleurs. »

Pierre-Marie Argouarc’h : L’expérience de la FDJ en matière de digitalisation

BJ9A4620Pierre-Marie Argouarc’h, Directeur des Relations Humaines et de la Transformation au sein de la Française des Jeux, a parlé de « digital et mutations professionnelles ».

C’est à travers la nature de son titre, plein de sens mais peu commun, que notre intervenant a introduit sa vision de la Direction des Ressources Humaines. Il préfère parler de « relations humaines ». Premièrement, parce qu’une ressource est périssable alors que l’objectif est de développer le potentiel et pérenniser le talent. Deuxièmement parce que leur rôle est d’être à l’écoute et d’accompagner les collaborateurs.

À l’heure de la 4ème révolution industrielle, la Direction des RH a aussi la responsabilité de transformer l’entreprise d’un point de vue organisationnel, digital, managérial et humain. Face à cet enjeu, la FDJ qui est une entreprise du secteur public a voulu s’inspirer des bonnes pratiques des entreprises privées en prenant le parti de transformer tous les aspects de son organisation pour contrer la concurrence. C’est ce qui lui permet aujourd’hui d’être créatrice d’emplois et d’occuper la place de 4ème loterie mondiale avec 13,7 milliards de chiffre d’affaires.

L’innovation qui a permis de réformer l’entreprise de l’intérieur, explique PM. Argouarc’h, a été d’internaliser l’ingénierie du changement au sein de la RH en créant une direction de la transformation composée d’une petite équipe de choc.

Parmi les leviers de réussite essentiels à toute stratégie de digitalisation, notre intervenant a également souligné l’importance du rôle du manager de proximité, d’être soutenu par un co-sponsoring transverse et de faire de l’expérience collaborateur une priorité au même titre que l’expérience client. Sans oublier la confiance. Après tout, « plus on donne de la confiance aux collaborateurs plus ils nous renvoient les sens des responsabilités. »

Conscients des risques que présente la digitalisation, PM. Argouarc’h nous parle du prochain accord qu’il co-construira au sein de la FDJ et dans lequel seront abordées les questions du droit à la déconnexion ou encore de la création de valeur dont chaque collaborateur est porteur.

Pour finir, le Directeur des Relations Humaines a évoqué la nouvelle méthodologie de travail pluridisciplinaire adoptée par l’entreprise. Il décrit ainsi la mise en place de plusieurs cellules d’incubation en interne, qui ont permis de sortir deux nouveaux jeux. Les solutions émergent bel et bien de l’intelligence collective. Comme disait Emerson, « nos meilleures idées viennent des autres ».

Olivier Ruthardt : De la Direction des Ressources Humaines à la Direction des Richesses Humaines

BJ9A4673À l’occasion de la 16ème rencontre de l’Observatoire autour du thème « Travail et Digital », Olivier Ruthardt, Directeur des Ressources Humaines de la MAIF, a participé à la table-ronde « assurances et numérique » animée par Sylvie Joseph, La Poste.

Dès le début de son intervention, O. Ruthardt a jeté un nouvel éclairage sur la Direction des Ressources Humaines en préférant parler de Direction des Richesses Humaines. Il explique qu’ils ne sont pas des « faiseurs, mais des constructeurs ». Dès lors, leur responsabilité consiste à mettre à disposition les outils nécessaires au développement pour que les collaborateurs prennent leur envol.

Dans le cadre de la digitalisation de l’entreprise, la MAIF s’est interrogée sur ses leviers de croissance et a réfléchi sur les 4 concepts majeurs suivants :

– La mobilité ;
– Le droit à l’erreur : l’échec devient une source d’apprentissage ;
– Le droit à l’émotion : la diversité, indispensable à toute entreprise, repose sur la sensibilité de chacun. En ce qu’elle nous singularise, l’émotion est ainsi constitutive de ce qui nous rend différents et doit avoir sa place en entreprise.
– Les marges d’initiatives et de manœuvres laissées aux collaborateurs : le but n’est pas de contrôler, mais d’accompagner et faciliter le développement de chacun, pour favoriser la contribution de tous pour l’entreprise.

Pour ce qui est de l’accompagnement des collaborateurs, le plan de conduite du changement de la MAIF a établi comme 1ère étape de former les membres du COMEX avec des ateliers de reverse mentoring puis, dans un second temps, de sensibiliser les cadres dirigeants. Parallèlement, une Académie Digitale a été mise à disposition des 7000 collaborateurs de l’entreprise.

Quant à la stratégie d’acculturation, il n’y a pas de vérité absolue, souligne notre intervenant, mais des leçons tirées de l’expérience : « test & learn » sont les mots d’ordre.

En guise de conclusion, O. Ruthardt est revenu sur le rôle essentiel de la confiance. « Chez la MAIF, la politique de la confiance entraîne la confiance des politiques. » Après quoi, ses derniers mots nous ont laissé médité sur ce proverbe indien : « tout ce qui n’est pas donné est perdu ».

Nicolas Siegler : Comment la MAIF adapte son organisation aux défis issus du numérique

N.SieglerÀ l’occasion de la 16ème rencontre de l’Observatoire autour du thème « Travail et Digital », Nicolas Siegler, Directeur délégué SI Groupe de la MAIF, a participé à la table-ronde « assurances et numérique » animée par Sylvie Joseph, La Poste.

Dans ce contexte de transformation digitale, N. Siegler a présenté les deux principaux défis issus du numérique auxquels la MAIF est aujourd’hui confrontée :

Le Big Data : un assureur se pose la question de savoir si l’on doit complètement démutualiser ou personnaliser les services.
L’économie solidaire : un seul exemple très parlant a suffi pour en illustrer l’effet de rupture : « Si plus personne n’achète de voitures et préfère utiliser BlaBla Car, qu’est-ce qu’on assure ? »

Notre intervenant précise que l’adaptation à ces nouveaux enjeux est d’autant plus cruciale que le marché des assurances est hyper concurrentiel en raison du faible taux de croissance et de l’arrivée de nouveaux acteurs telles que les banques assureurs.

Ces 2 ruptures ont pour conséquence de limiter fortement notre visibilité sur ce que sera le marché à court ou moyen terme. En réponse à cela, la MAIF a construit un plan stratégique avec 4 grandes orientations :

— 1ère orientation : parce que le marché est concurrentiel, l’entreprise se doit d’être à l’avant-garde et de faire de l’innovation l’une des priorités.
— 2ème orientation : intégrer l’agilité et le digital dans les modes de fonctionnement de l’entreprise, notamment à des fins d’innovation et de performance.
— 3ème orientation : améliorer la relation clients, qu’elle soit physique ou digitale.
— 4ème orientation : placer la confiance au cœur de la stratégie.

Afin d’insuffler cette confiance, de faciliter l’acculturation vers le digital et de répondre à des enjeux de performance, la MAIF a eu l’idée de lancer un réseau social d’entreprise. Elle a commencé par un pilote de 400 personnes sur ses 7000 collaborateurs. L’engouement des salariés a dépassé les attentes de l’équipe projet : au terme des 6 mois, le nombre d’inscrits n’était pas de 400 mais de 2000 collaborateurs.

L’un des risques constatés face à ce succès non anticipé était que les managers risquaient de passer à côté et de se retrouver démunis devant le fait accompli. C’est pourquoi, en décembre 2015 la MAIF a décidé d’officialiser la généralisation du RSE avec un temps de sensibilisation et de formation prévu pour les managers.

En guise de conclusion, le Directeur Délégué du SI Groupe a terminé son intervention en évoquant un aspect fascinant du RSE : ce-dernier participe de la motivation des collaborateurs et constitue un contributeur du management par l’envie.

Ludovic Guilcher : Quelques enjeux majeurs de la transformation digitale des entreprises

L.GuilcherLa clôture de la 16ème rencontre organisée par l’Observatoire des RSE sur le thème « Travail et Digital » a été marquée par l’intervention d’un grand témoin. Cette année, c’est Ludovic Guilcher, DRH Adjoint d’Orange, qui nous a partagé ses convictions et ses intuitions en qualité d’artisan majeur de la transformation numérique du Groupe.

Il a commencé par quelques mots sur le rapport de la commission Mettling auquel il a eu le bonheur de participer. Dans l’idée d’en faire un exercice d’ouverture et d’interrogation pour tous, monsieur Mettling a tenu à associer les organisations syndicales à cette commission pour essayer de trouver un rapport qui soit le plus proche possible d’un terrain commun.

L. Guilcher présentera quelques unes des grandes idées de ce rapport :

1) La question de la formation est absolument clé, en commençant pas les membres du Comex. En effet, le bouleversement actuel nécessite une formation très importante hors les murs, hors le poste de travail, pour atteindre la mise à niveau de tous. L. Guilcher indique que cette formation doit à la fois nous permettre de comprendre le hard, en maîtrisant des outils spécifiques, et le soft pour adapter nos métiers à de nouveaux modes de fonctionnement. C’est sans doute ce deuxième enjeu qui sera le plus compliqué et le plus long à achever et qui reposera en grande partie sur le management de proximité. On observe ainsi que la formation doit s’inscrire dans deux temporalités : elle doit être à la fois ponctuelle et continue.
Sur ce sujet, le rôle du management de proximité est essentiel. Son rôle doit être réinventé avec les déploiements de RSE. La mise en place réussie d’un RSE ne peut se faire sans le management : elle doit se faire de façon collective pour que l’on se forme ensemble à l’utilisation de nouveaux outils de travail.
D’une manière plus générale, du moins c’est ainsi qu’elle est perçue chez Orange, la formation au numérique est une formation socle : il est impératif que tout le monde possède une base de connaissances commune pour assurer l’employabilité de chaque collaborateur. Cela relève de la responsabilité de l’employeur. Cependant, la question des dispositifs de formation doit être abordée en même temps que la question des équipements : « on n’équipe pas sans former et on ne forme pas sans équiper ».

2) Dans le rapport est également abordé le droit et le devoir à la déconnexion. Les notions de « droit » et de « devoir » renvoient à une double responsabilité : aussi bien celle de l’entreprise que celle du salarié. En effet, la capacité d’une entreprise à maîtriser cette connexion est déterminante dans le succès de la transformation digitale. Il est du devoir de l’employeur de mettre en place la prévention nécessaire quant au danger d’hyper-connectivité ou multi-connectivité. Toutefois, il relève aussi de la responsabilité du salarié d’agir et de se former au risque de multi-connexion.
Le rapport évoque également les conditions à respecter pour garantir le bon fonctionnement du travail à distance : outre les questions de logistique et d’autonomie des salariés, nous devons nous interroger sur le devenir du lien social et du collectif dans un mode de travail qui favorise l’isolement. Pour être positif, le travail à distance doit donc être encadré.

3) Le 3ème volet concerne à la fois le droit social et l’économie. Il s’agit de la question du multi-salariat ou multi-activité. En effet, une part de la classe des 18-25 ans, représentant aujourd’hui 25% des chômeurs, est plus attirée par l’indépendance. Or, pour l’entreprise cela représente aussi bien un défi de gestion qu’un défi de protection sociale. « Et pourquoi sommes-nous obligés de répondre à cette demande ?», s’interroge L. Guilcher. Tout simplement, parce que les candidats qui mettent l’entreprise à l’épreuve sont les plus prisés sur le marché du travail. Ainsi, indirectement, la capacité à répondre à cette nouvelle demande de relation employeur-employé contribuera à déterminer la valeur concurrentielle de l’entreprise.

4) Enfin le rapport parle brièvement de la question des analytics, qui n’est pas tant de savoir s’il faut y aller ou pas puisque « si nous n’y allons pas d’autres iront pour nous » et contourneront la structure même de l’entreprise. Pour anticiper l’uberisation de la fonction RH, notre intervenant souligne la nécessité de construire un cadre de fonctionnement sur les données personnelles des salariés de l’entreprise afin de leur rendre des services personnalisés. Par exemple, pousser des dispositifs de formation, une offre d’emploi pertinente ou proposer un tableau de bord adapté pour mieux maîtriser ses outils. Or, comment mettre en place ces services personnalisés dans un cadre de confiance et de transparence ? Selon L. Guilcher, il est indispensable que les organisations syndicales participent à la construction de ce nouveau cadre.
Finalement, l’enjeu est de faire en sorte que toutes ces questions soient traitées au sein de l’entreprise et non pas à l’extérieur, sans aucun contrôle du management et des partenaires sociaux.