Dans le cadre de la 18ème Rencontre de l’Observatoire des RSE, Elise Bruillon s’est exprimée sur les limites de l’exploitation des analytics dans le cadre des services personnalisés en entreprise. En qualité de Risk manager chez Orange et Administratrice de l’Observatoire, elle est plus précisément revenue sur la définition de deux notions-clés : « Consentement et subordination ».
À l’heure où nous nous retrouvons inondés d’algorithmes et de services personnalisés au profit de la qualité de vie au travail, l’accord du salarié s’érige comme un critère déterminant et un passage obligé. Dans cette lignée, en entreprise, les plans de conduite du changement mis en place ont pour utilité de préparer les collaborateurs à comprendre les disruptions opérées pour qu’ils soient en mesure, in fine, de donner leur consentement. Or, que recouvre cette notion de consentement, surtout dans le lieu de travail ? L’entreprise est-elle en mesure de créer un environnement propice à l’accord aussi bien qu’au désaccord ?
Les interrogations présentées par notre intervenante nous conduisent à questionner la posture dans laquelle se trouve le salarié au moment de donner son accord. Aujourd’hui, l’entreprise travaille sur une stratégie marketing vouée au bien-être des collaborateurs. Or, dans cette course effrénée pour fidéliser le salarié, lui laisse-t-on vraiment la possibilité de réfuter le soi-disant bien-fondé de ces initiatives dignes d’un employeur « digital et humain » ? Après tout, quelle image renverrait ce brave salarié en réfutant l’innovation créative et la bienveillance ? L’entreprise est-elle en mesure de gérer ce refus sereinement, d’autant plus dans un environnement économique instable ?
Finalement, la notion de consentement restera contestable sur le lieu de travail tant que la relation entre le salarié et son supérieur continuera à prendre la forme d’un lien de subordination. Après tout, est-ce que le consentement obtenu dans une relation de subordination a la même valeur probante que dans le cadre d’une autre relation juridique ? Est-ce que quand je dis « oui », je réponds de façon libre et éclairée, ou est-ce parce que je n’ai pas le choix ? Aujourd’hui, constate E. Bruillon, nous ne savons pas mesurer l’impact du refus et de l’opposition du salarié. Dans cette configuration, conclue-t-elle, nous sommes en droit de nous demander : est-ce que mon accord a du sens ?
Le règlement européen stipule que l’entreprise doit obtenir un consentement sans équivoque.Or, à la lumière des interrogations précédentes, comment s’en assurer ? Comment prouver que le salarié est en mesure de donner son accord en son âme et conscience ?
En découle naturellement la question suivante : quelle posture adopter vis-à-vis du salarié ? Comment vérifier que le salarié est vraiment d’accord sans le vexer ? Où devons-nous placer le curseur ? Quelle déontologie pour quelle pratique RH ?
En guise de conclusion, E. Bruillon, mentionne la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui exige la présence d’un être humain entre la décision et la machine. Bien que l’aide apportée par les outils soit devenue incontournable, l’analyse des humains ne peut se faire sans l’humain. L’humain doit demeurer au cœur du processus si l’on veut construire et pérenniser la confiance.